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juge la meilleure, qui a des ressources exceptionnelles pour occuper tous les points du territoire, et qui, sans porter atteinte à la liberté, empêche que l’esprit de discorde ne prenne le masque de la religion pour se propager.

Ce n’est pas tout encore, et les dernières vicissitudes de l’église anglicane ne sont pas les moins étranges. Le pacte qui l’unit à l’état étant un contrat civil, c’est la justice civile qui a droit de prononcer en dernier appel sur les contestations, de décider si les ecclésiastiques accusés d’être sortis de la doctrine de l’église ont, oui ou non, enfreint les trente-neuf articles. Nul doute que ce contrôle exercé par le pouvoir laïque n’ait eu une influence modératrice très marquée. C’était une maxime parmi les hommes d’état qu’il convenait de laisser un libre jeu à diverses tendances religieuses, et comme moyen d’éducation l’établissement ecclésiastique de l’Angleterre avait présenté pendant longtemps une grande analogie avec le gouvernement représentatif du pays. Il renfermait un parti autoritaire tempéré, un parti latitudinaire contenu, un parti individualiste également réservé. Soyons justes, la plus illogique et la plus dénigrée des églises, celle qui est dénoncée comme érastienne par les évangéliques, qui est un objet de répulsion pour les dissidens, qui est traitée de tiède et de mondaine par les sacerdotalistes, a remarquablement réussi à entretenir le sentiment religieux. Elle a été à l’abri des exagérations antagonistes auxquelles sont sujets les laïques et les théologiens quand ils sont abandonnés à eux-mêmes : elle a empêché les cléricaux de conduire les populations à la prostration morale et au servilisme ; elle a empêché les mystiques de les laisser sans direction, et par là elle a aussi empêché le parti irréligieux de les jeter dans l’incrédulité et tout ce qui l’accompagne si facilement chez ceux qui n’ont ni bien ni crédit à perdre.

Mais aujourd’hui il se trouve que c’est précisément la manière dont s’exerce le contrôle du pouvoir civil qui contribue à désorganiser l’église et à y déchaîner la guerre. Comme le faisait remarquer un journal que j’ai déjà cité, le Pall-Mall, la réforme ecclésiastique, qui avait eu la très louable intention de rectifier des abus en supprimant les sinécures et en répartissant plus également les revenus du clergé, a eu pour conséquence de substituer à la vieille féodalité cléricale une démocratie qui se montre beaucoup plus immodérée et beaucoup plus insubordonnée. Quoi qu’il en soit, le fait est que la bonne entente n’existe plus entre le pouvoir laïque et l’église ; des poursuites ont été instituées par les évêques contre des ecclésiastiques qui avaient publiquement arboré les couleurs d’un rationalisme et d’un quasi-catholicisme des moins déguisés, et les juges laïques ont déclaré qu’il n’y avait pas lieu de leur retirer leurs bénéfices. — On le voit, par suite du libéralisme de plus en plus