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Londres, et depuis lors il partagea ses loisirs entre cette résidence, où il étudiait la lune, et Kew, où l’on explorait le soleil sous sa direction. En même temps son attention se portait vers le perfectionnement des instrumens d’optique ; il a fait lui-même le miroir d’un télescope qui a servi à la plupart de ses observations. Mais ces travaux ont fini par fatiguer sa vue, et, désespérant de pouvoir plus longtemps observer lui-même, il a légué son magnifique attirail d’instrumens à l’université d’Oxford.

De riches négocians, d’opulens industriels, se sont honorés par la fondation d’une série de petits observatoires qui ont concouru par d’utiles travaux au progrès de la science. Citons celui de M. Bishop, érigé primitivement dans les environs de Regent’s Park, puis transporté à Twickenham, où MM, Hind et Pogson ont découvert tant de planètes[1], — celui du brasseur Barclay, à Leyton, près Londres, — puis celui du brasseur William Lassell, dans le voisinage de Liverpool. Comme l’aîné des Herschel et lord Rosse, M. Lassell a fabriqué de ses propres mains les miroirs de ses télescopes, à l’aide desquels il a découvert des satellites de Neptune, de Saturne et d’Uranus. Le dernier télescope construit par lui a 4 pieds d’ouverture et une longueur de 37 pieds. L’atmosphère impure d’un, centre manufacturier comme Liverpool n’eût pas permis d’utiliser toute la puissance d’un appareil optique de ces dimensions ; M. Lassell résolut donc de transporter l’instrument à Malte, où il avait déjà installé, dix ans auparavant, un télescope. de 20 pieds. De 1862 à 1865, le nouveau télescope fut constamment tourné vers le ciel et employé à en scruter les profondeurs, M. Lassell découvrit plus de 600 nébuleuses nouvelles dont le faible éclat, sous le ciel brumeux du nord, avait échappé aux investigations de William Herschel et de lord Rosse. Aujourd’hui M. Lassell ne s’occupe plus que de la publication des nombreux matériaux recueillis pendant ses deux séjours à Malte.

Quel exemple et quel enseignement que cette longue carrière de William Herschel, qui passa un demi-siècle à sonder les abîmes mystérieux de l’univers ! Fils d’un pauvre musicien chargé d’une nombreuse famille, il avait embrassé la profession paternelle et était venu, à vingt ans, tenter la fortune en Angleterre. Il gagnait péniblement sa vie à donner des leçons de musique et à diriger des concerts ou des oratorios lorsqu’il fut nommé organiste à Halifax, puis bientôt après attaché en la même qualité à la chapelle octogone à Bath, Il occupait ses loisirs à étudier des ouvrages d’astronomie. Ne se trouvant pas assez riche pour acheter un télescope, il se mit lui-même à l’œuvre, et, après mille tâtonnemens, parvint en 1774 à fabriquer un réflecteur de 5 pieds, avec

  1. C’est là que M. Hind a construit ses belles cartes des étoiles voisines de l’écliptique, destinées à faciliter la recherche des petites planètes. Un riche seigneur irlandais, M. Cooper, avait établi un observatoire dans son château de Markree pour l’exécution d’un travail analogue. Le Catalogue écliptique de Markree est entre les mains de tous les astronomes.