Le gouvernement français n’avait sûrement pas besoin de l’influence allemande pour savoir ce qu’il devait penser de la cause carliste, et l’acte auquel il s’est décidé n’était nullement, sous ce rapport, l’expression d’une politique nouvelle. À vrai dire, la reconnaissance du gouvernement de Madrid n’a été que la transformation des relations officieuses qui existaient déjà en relations officielles et régularisées.
Maintenant quelle est la portée réelle de cette reconnaissance ? Quelle en est la signification politique ? Il n’y a rien à exagérer. C’est une marque de sympathie pour l’Espagne libérale dans la lutte qu’elle soutient contre les carlistes ; ce n’est en aucune façon un acte d’intervention dans les affaires intérieures de la Péninsule, et sur ce point jusqu’ici l’Allemagne ne semble pas aller plus loin que la France. Aujourd’hui comme hier la situation reste la même. C’est à l’Espagne de poursuivre la pacification des provinces du nord, de se donner un gouvernement définitif. Qu’elle y réussisse avec la force nouvelle que vient de lui donner la reconnaissance diplomatique de l’Europe, c’est tout ce qu’on peut demander de mieux. Malheureusement le plus difficile est encore à faire ; il y a toujours à trouver une armée suffisante pour l’opposer aux carlistes. La question militaire reste entière ; elle est assez grave pour que l’Espagne n’ait pas épuisé l’imprévu, pour que toutes les péripéties puissent encore se produire.
S’il y a pour les hommes publics un moment où tous les bruits, toutes les contradictions de la politique doivent se taire, c’est le moment où ils disparaissent après avoir rempli la scène de l’éclat de leurs œuvres. Cette heure a sonné pour un de nos plus illustres contemporains, pour M. Guizot, qui est mort hier au Val-Richer, comblé d’années, exempt d’infirmités, vaincu seulement par l’âge. Cette saine et vigoureuse organisation n’a pas succombé sous l’atteinte d’une de ces maladies qui brisent une existence, elle a vu lentement, gravement, venir la mort qui l’envahissait peu à peu. Jusqu’au bout, M, Guizot a gardé la plénitude de ses facultés, jusqu’au bout il est resté l’homme de travail, occupant ses derniers jours à écrire cette Histoire de France qu’il dédiait à ses petits-enfans, qui en réalité est pour l’instruction de tout le monde. M. Guizot avait vu se dérouler sous ses yeux la série de gouvernemens, de révolutions, de guerres, de prospérités passagères, de déceptions, de malheurs qui se sont succédé depuis cette époque du premier empire où il entrait dans la vie publique, dans sa vie d’écrivain et de politique. Comme écrivain, comme professeur, M. Guizot avait été un des rénovateurs de l’histoire ; il avait illustré la Sorbonne de l’éclat de sa science et de son éloquence. Comme politique, il avait eu son plus grand rôle sous la monarchie de juillet ; il avait été mêlé à toutes les luttes parlementaires et pendant sept ans il était resté le chef réel du dernier ministère du roi Louis-Philippe. Au lendemain de la