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phase de son existence le cysticerque du porc, pendant la seconde le ténia de l’homme.

Le phénomène peut sembler extraordinaire, mais la réalité en est mise hors de toute contestation imaginable par des expériences concluantes. Lorsque les cysticerques sont nombreux, ils déterminent chez les porcs l’affection connue sous le nom de ladrerie ; partout où l’on débite la chair de ces animaux malades, le ténia abonde bientôt dans la population. En Allemagne, un habile investigateur, M. Küchenmeister, obtint l’autorisation de faire sur un condamné à mort une épreuve décisive. Des cysticerques de diverses espèces et surtout des cysticerques du porc furent introduits dans les alimens quatre jours avant l’exécution. Lorsque le naturaliste examina les intestins du supplicié, les cysticerques du porc seuls vivaient ; déjà ils avaient pris tous les caractères du ténia de l’homme. M. van Beneden, l’éminent professeur de l’université de Louvain, et beaucoup d’autres zoologistes, firent avaler des œufs du ténia de l’homme à des porcs, la plupart de ces animaux ne tardèrent pas à se montrer atteints de ladrerie. Des chiens, des chats, des lapins, des moutons, purent ingérer des mêmes œufs tout à fait impunément ; gorgés de cysticerques du porc, ils n’en conservèrent aucune trace.

Le chien héberge deux sortes de ténias ; on ignore encore le premier gisement de l’un de ces vers, on connaît parfaitement celui de l’autre. Sur les viscères du lapin se voient très fréquemment de petits globes semi-diaphanes ; ce sont des kystes. Chacun renferme un cysticerque qui deviendra ténia, s’il passe dans le canal digestif d’un chien. Ici, pour s’assurer du fait, l’expérience était facile ; cent fois elle a été renouvelée. Le chat avale sans inconvénient les cysticerques du lapin ; il a un ténia, et celui-ci est d’abord le cysticerque clés rats et des souris.

Nos poissons blancs : ablettes, gardons et rotengles, ont souvent dans la cavité abdominale des vers connus sous le nom de ligules. De même que les cysticerques des mammifères, les ligules des poissons sont des êtres imparfaits, toujours stériles ; mais le poisson sera peut-être mangé par un canard, c’est l’accident heureux pour la ligule. Dans l’intestin de l’oiseau, elle acquiert promptement les perfections qui lui manquaient.

Des vers appartenant au même ordre que les ténias[1] se rencontrent logés dans des kystes chez des poissons osseux[2] ; c’est aussi d’une circonstance propice que dépend la fin de l’évolution de ces êtres. Si le poisson est mangé par une raie, dans l’intestin du nouvel hôte il achève un développement qui demeurait arrêté dans

  1. L’ordre des cestoïdes.
  2. Ces vers, sous leur première forme, ont été nommés des Télrarhynques.