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d’avoir pu montrer autant de sympathie pour des factieux dont le caractère et les façons répondent si peu à leurs propres traditions de loyauté, d’honneur et de patriotisme.

S’il fallait en croire les princes carlistes et leurs partisans, ils n’auraient pris les armes que pour défendre leurs droits ; mais leurs droits, quels étaient-ils, quels pouvaient-ils être sous Ferdinand VII, frère aîné de don Carlos ? Or de son vivant, en 1827, ils ont osé faire circuler un manifeste adressé au peuple espagnol par une fédération de royalistes purs sur l’état de la nation et la nécessité d’élever au trône le sérénissime infant don Carlos ! Dira-t-on que le roi ne pouvait avoir d’enfans ? Il en a eu depuis. Savait-on qu’il n’aurait pas d’enfans mâles ? Ne cherchons pas si loin : le parti théocratique ou apostolique, inquiet des velléités libérales de Ferdinand et craignant pour sa propre influence, sacrifiait vaillamment le devoir du sujet au triomphe de l’idée, et, trouvant dans l’étroit fanatisme de l’infant un instrument à souhait pour ses vues de domination farouche et de réaction impitoyable, l’armait contre son frère et son roi. Au manifeste en effet succède la rébellion ouverte, bientôt réprimée par la force ; don Carlos, coupable d’y avoir prêté les mains, est exilé en Portugal. Sept ans après, lorsque Ferdinand mourut, ce même parti qui avait pris les armes contre le roi se révolta contre sa fille au nom de la légitimité. Or, pour quiconque accepte le principe monarchique, entre don Carlos et Isabelle II le droit ne pouvait être douteux. De tout temps, les femmes furent habiles à succéder à la couronne de Castille, ou plus simplement à la couronne d’Espagne, puisque le royaume de Castille a absorbé tous les autres. Philippe d’Anjou, qui tenait ses droits des femmes, — car l’agnation rigoureuse transférait aux princes de la maison d’Autriche l’héritage de Charles II, — trouva bon d’implanter en Espagne la loi salique. Cependant il n’ignorait point combien l’ancienne coutume était chère aux Espagnols ; il s’était heurté déjà à l’opposition du conseil d’état et du conseil de Castille ; prévoyant une résistance des cortès, il n’osa pas les convoquer régulièrement. Il rendit leurs pouvoirs à d’anciens députés qui se trouvaient alors à Madrid et dont le mandat était expiré, après s’être au préalable assuré de leur adhésion, puis il leur notifia son nouveau règlement de succession avec ordre de l’enregistrer. Le décret par cela même est entaché de nullité au premier chef ; il fallait qu’il eût été discuté et voté en pleines cortès élues ad hoc, et alors seulement promulgué. Le petit-fils de Philippe V, Charles IV, rendit une pragmatique rétablissant la succession des femmes à la couronne ; mais pour diverses raisons politiques, il ne la promulgua point : elle ne pouvait donc faire loi. En 1830, Ferdinand VII reprit le décret de son père, et le fit promulguer dans les cortès au