l’autre ses alliées naturelles, et d’avoir de sa propre main rompu le fameux faisceau des nations latines. Quoi de plus naturel si dans sa détresse, délaissée de tous, ne rencontrant auprès des cabinets européens qu’indifférence et mauvais vouloir, l’Espagne a accueilli les avances du seul allié qui s’offrît à elle ? De guerre lasse, on peut le dire, elle s’est jetée dans les bras de la Prusse.
Il faut convenir pourtant que de toutes les puissances, c’était la France dont l’initiative importait surtout au peuple espagnol : en premier lieu, l’effet moral eût été bien plus grand des deux côtés des monts, les carlistes et leurs amis eussent été découragés, aucun doute n’eût été possible sur le bon vouloir du gouvernement français et la sincérité de ses intentions. Distraite par des préoccupations intérieures, la France jusqu’ici avait accordé peu d’attention aux troubles espagnols ; aujourd’hui, mieux instruite de ses vrais intérêts, elle répudiera toute solidarité avec le carlisme, et bientôt on ne pourra plus nier que le gouvernement, d’accord en cela avec l’opinion publique, ne soit décidé à prêter aux libéraux un loyal appui. M. le duc Decazes, dans la réponse à M. le marquis de La Vega de Armijo, s’était engagé à donner aux agens français à la frontière les instructions les plus fermes et les plus détaillées ; le nombre des saisies d’armes ou de munitions destinées aux carlistes augmente chaque jour ; deux canonnières, l’une espagnole, l’autre française, stationnent à l’entrée de la Bidassoa, visitant les barques qui s’y présentent ; tous les postes de douane ont été plus que doublés, et l’autorité militaire entretient à grands frais un fort cordon de troupes le long des Pyrénées pour rendre la surveillance plus active et plus efficace ; enfin, lors du dernier siège de Puycerda, les carlistes qui s’avançaient sur le territoire français, près de Bourg-Madame, ont été reçus à coups de fusil. Cette franche attitude du gouvernement fera renaître, il faut l’espérer, la bonne harmonie qui n’eût jamais dû cesser entre les deux peuples. Sûre de trouver chez la nation voisine un bienveillant concours, l’Espagne, qui lui est unie par tant de besoins et d’intérêts, n’ira pas chercher ailleurs de redoutables alliances ; elle redoublera d’efforts et d’énergie contre l’ennemi qui la désole. Quant au carlisme, réduit à ses seules forces, isolé et traqué dans ses montagnes, il ne pourra tenir tête à la majorité du pays, armée contre d’injustes prétentions, et cette insurrection criminelle, qui s’est présentée trop longtemps sous le couvert du droit et de la religion, succombera comme elle le mérite, ne laissant après elle que des ruines sanglantes et d’odieux souvenirs.