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n’empêche pas la contrebande, et les évaluations du budget risquent de n’être pas atteintes. On désespère de pouvoir jamais établir, comme en France, le vieux système du monopole et de la fabrication par l’état ; si au moins l’on atteignait partout la consommation, cela suffirait à rétablir l’équilibre entre les recettes et les dépenses.

De tous les impôts indirects qui forment la deuxième section du budget des recettes, le moins connu de nous est le tapou, sorte de droit sur la possession et la transmission de la terre. C’était l’impôt féodal, c’est le tribut annuel payé au sultan par les agriculteurs, qui aujourd’hui encore ne sont que de simples propriétaires du produit du sol, mais non du sol lui-même, sur lequel ils ne peuvent ni construire, ni changer la nature de la culture sans la permission du gouvernement. Le tapou frappe aussi la transmission de la terre ; lorsqu’un agriculteur meurt, ses héritiers n’ont que le droit de préemption sur les champs mis aux enchères. Le gouvernement propose de faire réviser tous les titres de possession, et, dans le budget de 1874, il suppose une augmentation de 50 pour 100 sur le produit du tapou, qui produirait alors 16 millions 1/2.

Les recettes diverses qui comprennent le revenu des salines, des forêts, des télégraphes et des postes, ne donnent qu’un chiffre de 52 millions en tout, triste résultat de la stagnation où ces services, ailleurs si importans, ne cessent de languir. Que l’on ajoute les tributs des états rattachés encore à la Sublime-Porte par un lien de vassalité et qui s’élèvent à 18 millions, on aura le total des recettes de ce budget de 1874, qui, si on le compare par exemple à celui de 1863 montant seulement à 313 millions, présente en dix ans une augmentation de près de 250 millions, soit 75 pour 100. C’est assurément un très grand progrès, que l’on voudrait attribuer au développement de la prospérité intérieure de la Turquie, mais dont il convient, pour être juste, de faire surtout honneur à une fiscalité plus sévère et plus exigeante. L’état de l’agriculture et de l’industrie en effet ne justifie point cette augmentation du revenu. Que l’on consulte par exemple les publications des consuls anglais, on se convaincra que l’agriculture n’est pas en progrès. Depuis la guerre de Crimée, les chiffres de l’importation et de l’exportation entre l’Angleterre et son alliée n’ont guère varié ; ils oscillent entre 12 et 13 millions de livres sterling. En 1864, l’exportation pour l’Angleterre est de moins de 6 millions, et en 1872 de 5 millions 1/2. L’importation en Turquie de provenance anglaise atteint 8 millions (le livres sterling. En signalant cette langueur de l’agriculture, les consuls anglais réclament tout un changement radical dans la constitution de la propriété ; au lieu des émiriés, anciens fiefs militaires soumis aux dîmes féodales, des vacoufs, biens du clergé, exempts de charges, ils demandent pour tous, musulmans ou autres, non plus