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l’a bien prouvé. Sur 375 millions effectifs à recouvrer, 42 pour 100 seulement ont été pris ferme par les concessionnaires, et ceux-ci n’ont pu les revendre que partiellement au public ; le solde a été colporté de mains en mains pour servir de gage aux prêts temporaires que le gouvernement avait pu obtenir à Londres et à Paris. Donc, pour faire un nouvel emprunt et n’avoir pas à craindre un second échec, d’autres précautions étaient nécessaires. Et d’abord il n’y avait plus lieu de compter sur le moyen précédemment employé des grandes réformes légales plutôt promises d’ailleurs qu’exécutées. De bonnes lois sur la propriété, comme le demandent les consuls anglais, assureraient sans nul doute le développement de la prospérité intérieure ; mais les effets s’en feraient attendre. On objecte d’ailleurs en Turquie à ceux qui demandent l’égalité de fait et non pas seulement celle de droit, qui existe entre tous les sujets musulmans ou non, cette inégalité bien plus choquante que les capitulations ont créée au profit des étrangers ; mais d’autre part tous les Européens qui séjournent en Turquie répondent que, le jour où les capitulations auraient cessé de les protéger, leur vie, celle de leur famille, leurs biens ne seraient plus en sûreté, et qu’ils n’auraient qu’à fuir devant la haine des musulmans. Un moyen plus sûr que la réforme législative consistait dans des réformes administratives, dans la remise par exemple en des mains expérimentées de la perception et de la concentration de tous les revenus de l’empire. Si le trésor pouvait réellement recevoir tous les impôts payés, il deviendrait facile d’éteindre la dette flottante, de rétablir l’équilibre du budget et sinon de refondre toutes les dettes extérieures de garanties et de types divers en une dette générale pour le dehors semblable au 5 pour 100 intérieur, au moins de créer une nouvelle rente extérieure sans remboursement immédiat et ruineux. Sadyck-Pacha avait à Paris et à Londres arrêté tout un ensemble de mesures qui devaient amener ces heureux résultats. Le gouvernement turc ne ratifia pas d’abord les engagemens de son envoyé ; il le rappela même, et le public put croire que les projets de Sadyck avaient échoué. Il n’en fut rien ; trois mois plus tard, le plan tracé était définitivement adopté avec quelques modifications, ainsi que n’avaient jamais cessé de l’espérer les financiers habiles qui traitent d’ordinaire avec le divan ; celui-ci concédait la création d’une banque d’état, une réforme entière des administrations, enfin un emprunt à un taux favorable.

La création d’un banque d’état a eu pour objet principal de constater d’une manière certaine la remise en des mains sûres de tous les revenus de l’état et le paiement exact de toutes les dépenses autorisées. À cet effet, la banque impériale ottomane, avec ses trois sièges de Constantinople, Paris et Londres, avec le pouvoir d’ouvrir