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résister sans rompre aux ardeurs intempestives et aux entraînemens passionnés ? Quelque union a-t-elle jamais existé entre ces cours souveraines et les états-généraux, de manière à faire entrer ces dernières assemblées dans le jeu régulier de nos institutions, ou bien était-il donc inévitable qu’elles demeurassent à l’état de moyens héroïques, de remèdes violens et par là redoutables ? S’il est vrai qu’une juste appréciation du passé soit de nature à fournir parfois une utile direction pour l’avenir, les études sur la constitution de l’ancienne France, sur ses phases successives, sur ses divers organes, sont du nombre de celles qu’il faut appeler de tous nos vœux. À ce titre, l’opinion a favorablement accueilli l’important ouvrage que vient de publier M. Arthur de Boislisle, attaché au service des archives et des publications historiques du ministère des finances, ouvrage auquel l’Institut a décerné une de ses plus hautes récompenses. L’auteur n’y a pas ménagé ses peines, car il s’agit d’un volume in-quarto de plus de 900 pages. Près de 800 nous donnent, depuis le règne de Louis XII, la série des documens, pour la plupart inédits, conservés sur l’ancienne chambre des comptes ; une vaste introduction met une partie de ces documens en œuvre, et restitue ces annales ignorées. Presque en même temps M. de Boislisle a fait paraître un autre volume in-quarto : la Correspondance inédite des contrôleurs-généraux des finances avec les intendans des provinces. Ce n’est encore qu’un tome premier, de 700 pages, qui va seulement de 1683 à 1699. On s’attend bien à ce que l’histoire de l’administration financière, étudiée en un tel détail, fournisse de précieuses lumières sur quelques-uns des principaux ressorts de la constitution française.

M. de Boislisle a puisé dans les archives de notre ministère des finances les élémens de la correspondance des contrôleurs-généraux ; il a emprunté ceux de son ouvrage sur la chambre des comptes aux archives des premiers présidens, que lui a ouvertes M. le marquis de Nicolay. Le souvenir de cette cour souveraine demeure en effet, comme on sait, inséparable de celui de cette famille. La première présidence avait passé pendant deux siècles par trente-six titulaires quand, le 22 juillet 1506, elle fut donnée à Jean Nicolay, professeur de droit, membre du parlement de Toulouse. Depuis lors jusqu’en 1791, pendant près de trois siècles, il n’y eut plus que neuf premiers présidens, tous de la même famille et se succédant héréditairement de père en fils, tant était devenue grande et respectée l’autorité morale de ces magistrats. Jean Nicolay ne siégea que douze ans ; mais Aymard, le second, resta président trente-cinq années, de 1518 à 1553 ; Antoine Ier demeura trente-quatre ans, Jean II trente-sept ans, Antoine II trente-deux ans, Nicolas