Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/755

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son cérémonial, ses rivalités avec les autres corps, son mode de recrutement. Il décrit les divers édifices occupés par la chambre autour de la Sainte-Chapelle ; il nous y introduit en s’aidant lui-même des anciennes estampes et des renseignemens que lui apportent les écrits contemporains. Nous voyons siéger les maîtres, les correcteurs et les auditeurs ; on nous dit leur costume ; nous entendons leurs formules grâce aux actes originaux ; nous suivons ces magistrats au-delà des audiences, non-seulement aux cérémonies, processions ou audiences royales, mais jusque dans l’intérieur de la chambre, à la buvette, jusque dans leur vie privée, à leurs propres foyers. M. de Boislisle nous raconte quel riche hôtel chacun des présidens habite, quelle est sa fortune, quel est le luxe de sa maison, quelle place en un mot tient dans la société parisienne cette noblesse de robe, si haut placée dans l’état. Si d’ailleurs M. de Boislisle n’a pas voulu retracer lui-même le rôle politique d’une si forte magistrature, les documens qu’il a publiés rendent cette étude facile, et par lui s’ajoute une page importante à l’histoire des institutions de l’ancienne France. Mettez en regard de ces deux publications l’Histoire des états-généraux considérés au point de vue de leur influence sur le gouvernement de la France de 1355 à 1614, que M. Picot a donnée et qu’il s’apprête à continuer jusqu’en 1789, voilà une série de graves études en réponse aux questions précédentes. Alexis de Tocqueville eût applaudi de grand cœur à de si sérieux efforts, et c’est ce que feront tous ceux à qui paraît excessive, ingrate et funeste la doctrine, essentiellement révolutionnaire, qui oublie ce que nous devons de respect, de sympathie, de gratitude, au majestueux passé de la France.


I.

M. de Boislisle n’étonnera personne en déclarant tout d’abord qu’il lui est impossible de retrouver quand et comment la chambre des comptes s’est détachée de cet ancien conseil ou de cette ancienne cour qui primitivement suivait la personne royale en tous lieux et suffisait seul à une administration fort peu étendue. Comment préciser le jour où ce double rameau de l’organisation monarchique, destiné à former plus tard le parlement et la chambre des comptes, s’est séparé du tronc commun, et ensuite le jour où il s’est divisé lui-même en deux branches ? On lit, il est vrai, dans de vieux ouvrages que, dès le temps de Louis le Jeune et de Philippe-Auguste, il y avait une chambre des comptes, un président, des maîtres, le tout « ambulatif » et suivant le roi dans ses déplacemens ; mais nous ne pouvons reconnaître là en aucune façon l’institution