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des arts et une meilleure administration commandent de respecter aujourd’hui. Les petits marchands ne se contentaient pas, dans l’ancien Paris, d’envahir le pourtour des monumens publics ; ils pénétraient jusque dans l’intérieur, s’établissaient dans les escaliers et dans les corridors. Il en était ainsi à Versailles, où des libraires éhontés venaient exposer et vendre jusqu’aux portes des appartemens royaux les pamphlets et les mauvais livres. Il n’en était pas autrement dans Paris même, au Palais de Justice, où, notre génération en a le souvenir, les cordonniers et autres gens de métier envahissaient jusqu’aux abords des grandes salles. La cour de la Sainte-Chapelle offrait de la sorte le plus singulier fouillis de constructions parasites, qui encombraient, empestaient et assourdissaient les alentours. Horlogers, tailleurs, marchands de tableaux, merciers, savetiers, brodeurs, libraires, pullulaient dans tous les coins, le long des murs de la Chapelle basse, sur les perrons de l’escalier qui conduisait à l’église supérieure, et jusque devant le grand portail. Plusieurs de ces échoppes, celle par exemple de Barbin le libraire ou celle du perruquier du Lutrin Didier dit l’Amour, ont eu leur illustration. La chambre, de temps à autre, faisait effort pour nettoyer la place ; mais les ordres du roi, quelque indulgence, l’empire de l’habitude, la faisaient consentir à de nouveaux établissemens. Tout au moins essayait-elle de bannir les métiers trop bruyans ; mais elle était impuissante ou peu s’en faut, soit à éloigner les cabarets, auxquels la foule des plaideurs, des gens d’affaires, des laquais, offrait une clientèle assurée, soit à contenir la bavarde et querelleuse multitude des badauds, vagabonds, joueurs de dés et coupeurs de bourses. Quand la montée devenait trop encombrée de telles gens et que le bruit paraissait excessif à messieurs des comptes, ils députaient leurs huissiers et sergens pour aller imposer silence, ou bien ils demandaient l’intervention du prévôt de la maréchaussée, ou ils recouraient à l’autorité suprême du bailli du palais ; mais les uns et les autres avaient d’ordinaire peu de succès, et sortaient de la bagarre en loques et moulus de coups. La prison au pain et à l’eau, la fustigation, le carcan, infligés aux coupables, étaient de fort impuissans moyens de correction. Ajoutons qu’outre le personnel de ses membres la chambre avait sous sa dépendance immédiate tout un petit peuple de sujets souvent indisciplinés : c’étaient les clercs de ses vingt-neuf procureurs, qui formaient ce qu’on appelait l’Empire de Galilée, corporation analogue à la Basoche des clercs du palais, et ayant pour principal objet de procurer aux jeunes aspirans les moyens de s’instruire, une bibliothèque, des conférences, des conseils spéciaux. Ils donnaient des fêtes publiques, « danses morisques, momeries et autres triomphes, » particulièrement au jour des Rois et