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pour la Saint-Charlemagne : il en résultait, bien entendu, de grosses dépenses et de mauvaises aventures qui forçaient beaucoup trop souvent les magistrats d’intervenir.

Au désordre extérieur correspondait en quelque sorte la complexité singulière des attributions de la chambre des comptes : elles étaient à la fois judiciaires, administratives et politiques. La liste serait longue des actes d’intérêt privé qu’elle devait recevoir et enregistrer, anoblissemens, affranchissemens, actes de foi et hommage, dons, pensions, gratifications, concessions de privilèges, etc. En qualité de cour souveraine des finances, elle recevait toutes les lois relatives aux comptables, que d’ailleurs elle jugeait en dernier ressort. Elle avait l’enregistrement de tous les actes concernant le domaine, particulièrement s’ils entraînaient une modification quelconque du territoire ; elle connaissait, aussi bien que le parlement, des édits et testamens royaux, des contrats de mariage intéressant la famille royale, des lettres d’apanages, des traités de paix et d’alliance. Elle revendiquait le droit de fournir des commissaires pour la délimitation des frontières nouvelles ou pour les annexions de provinces et de villes. Elle avait, pour toute la France, la juridiction des régales ainsi que le contrôle des relations féodales entre l’épiscopat et le roi. Au nombre de ses attributions concernant le domaine étaient la conservation des joyaux et meubles de la couronne, l’administration du collège de Navarre, celle du temporel de la Sainte-Chapelle et surtout la garde des reliques vénérées qu’elle contenait, ainsi que celle du trésor des chartes, conservé dans les étages supérieurs de la sacristie.

De là les multiples ingérences de la chambre des comptes et les nombreux conflits dans lesquels on la voyait engagée ; de là aussi la grande importance de son rôle dans l’état et la haute situation qui était faite à ses membres. Elle se recrutait à l’origine par le système de l’élection, c’est-à-dire par la nomination royale de candidats présentés par la chambre elle-même ; mais peu à peu l’usage des survivances et des résignations moyennant finance s’introduisit ; il était entièrement accepté dès l’époque de Louis XI et de Charles VIII. Les charges coûtaient fort cher et ne rapportaient pas beaucoup, bien qu’on ajoutât aux gages, qui n’étaient, à vrai dire, que les intérêts des sommes avancées, une foule de droits bizarres difficiles à interpréter pour nous aujourd’hui. Outre les épices, qui montaient à un chiffre considérable, il y avait un droit particulier de franc-salé, le droit de bûche, le droit d’écurie, le droit de chapeau de bièvre, c’est-à-dire de loutre, les droits de roses, de dragées, de bougies, de Champagne, de Logres, de stipes et nobis, de pieds-forts… « Tous les hiéroglyphiques d’Egypte n’approchaient jamais