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naître dans les esprits les dispositions de la population, le lycée s’ouvrit le 1er  septembre 1868, et dès les premiers jours il comptait 341 élèves classés ainsi qu’il suit par catégories de nationalité :


Musulmans 147
Arméniens grégoriens 48
Grecs 36
Israélites 34
Bulgares 34
Catholiques latins 23
Arméniens catholiques 19
Total 341


240 environ ignoraient complètement le français, 60 le lisaient et l’écrivaient quelque peu sans le comprendre, 40 seulement le connaissaient assez bien.

Le lycée à peine ouvert, l’administration se trouva aux prises avec des embarras nombreux qu’il avait été impossible de prévoir tous, et dont quelques détails feront comprendre la nature. Le Koran prescrit des ablutions multipliées et impose l’obligation du bain dans des cas nombreux ; il défend l’usage de toute nourriture et de toute boisson dans la journée pendant le mois de ramazan, dont l’époque varie chaque année. La supputation du temps n’est pas la même à Constantinople qu’en Occident : les Turcs n’emploient que le temps solaire pour diviser la journée, et les chrétiens n’ont pas encore adopté le calendrier grégorien. Le vendredi est fêté par les Turcs, le samedi par les juifs, le dimanche par les chrétiens. Les fêtes civiles et religieuses ne concordent ni dans les différens cultes, ni dans les sectes diverses d’un même culte. Les habitudes de nourriture sont très différentes pour les musulmans, pour les chrétiens et pour les juifs. Il devenait malaisé de tracer dans ce dédale d’exigences souvent contradictoires une règle commune et uniforme qui pût être facilement observée. Les maîtres eux-mêmes, logés en partie au lycée, pouvaient devenir l’occasion de conflits regrettables par la variété de leur origine, de leurs vues particulières, de leur caractère. On comptait parmi eux des Turcs, des Français, des Arméniens, des Grecs, des Italiens, des Anglais.

En dépit de ces conditions défavorables, la population du lycée s’accrut rapidement : un mois après l’ouverture, elle était de 430 élèves, et à la fin de la première année scolaire elle atteignait le chiffre de 530. Un an plus tard, elle s’éleva à 6i0, et tout laissait espérer que ce mouvement ascensionnel se continuerait ; on avait dû déjà se mettre en mesure de faire face à des besoins prévus, et on se disposait à ouvrir à Stamboul une école préparatoire pour les jeunes enfans musulmans. Les progrès obtenus en deux ans étaient