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si manifestes qu’il était sérieusement question de fonder dans d’autres villes de l’empire des lycées sur le modèle de celui de Constantinople. Ainsi des plans et des programmes étaient demandés de Beyrouth. Les Bulgares sollicitaient un établissement de même nature et s’autorisaient de considérations politiques qui devaient fixer l’attention du gouvernement. Il est peu de villages bulgares où la Russie n’entretienne des affidés chargés de faire de la propagande en sa faveur. D’un autre côté, la Servie, à peu près indépendante de la Turquie, ne néglige rien pour étendre et accroître son action en Bulgarie ; elle y ouvre des écoles, y paie des instituteurs et cherche à y propager sa langue. La Turquie ne pouvait méconnaître l’intérêt qu’elle avait à s’attacher la population par l’éducation des enfans. Un lycée a Philippopolis aurait sûrement réussi. L’immense incendie qui, le 5 juin 1870, dévora la plus grande partie de Péra et vint expirer à nos portes, marqua le terme de la prospérité du lycée. La guerre de Prusse éclata peu de jours après ; elle suscita des embarras imprévus, changea les destinées de l’établissement et arrêta par là même toutes les créations projetées.

Dès les derniers mois de cette année, il fut aisé de reconnaître qu’une profonde altération s’était produite dans les dispositions publiques envers la France ; le prestige de notre force passée se trouvait déjà impuissant à défendre plusieurs des institutions que nous avions patronnées. Notre mission militaire était supprimée ; il fut décidé que l’enseignement de l’école de médecine cesserait de se donner en français ; l’étude de cette langue disparut dans plusieurs écoles turques, et dans le collège italien des jésuites, on proclama que le français n’était plus désormais qu’une langue morte. Ce mouvement de réaction ne s’est pas arrêté, et, bien que la langue française fût de temps immémorial employée devant les tribunaux civils de Constantinople, on vient de décider récemment, paraît-il, qu’on devra y plaider à l’avenir en langue turque. Nous avons pu également apprécier les dispositions peu bienveillantes du gouvernement turc à notre égard dans les mesures prises au sujet du canal de Suez et des arméniens hassounistes.

Soutenu par Ali-Pacha, le lycée de Galata-Séraï résista pour le moment aux attaques dont il fut l’objet ; mais le vent de la fortune n’enflait plus ses voiles, un certain nombre de pères de famille l’abandonnèrent, et la population moyenne descendit à 560 élèves dans l’année scolaire 1870-1871. On peut s’étonner qu’elle se soit maintenue à ce chiffre dans de semblables circonstances.

Au mois de septembre 1871, le grand-vizir Ali-Pacha mourut inopinément, jeune d’âge, mais usé par les fatigues et le travail de sa haute position. Le sultan prit immédiatement la direction des affaires