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de se faire une protection de cette neutralité, de quelques paroles courtoises d’homme du monde que M. le président de la république a pu lui adresser dans une visite. Il a fallu que M. le préfet de Versailles déjouât cette habile tactique en déclarant que le ministère ne poussait pas la neutralité jusqu’à être le protecteur du candidat bonapartiste dans les élections qui doivent avoir lieu dimanche prochain.

Le gouvernement en est peut-être lui-même à sentir ce qu’il y a de périlleux pour lui, pour le pays, à laisser se propager ces confusions, et, sans prendre ostensiblement couleur, il semble du moins éviter tout ce qui ressemblerait à un acte d’hostilité contre les candidatures du centre gauche qui viennent de se produire dans le Pas-de-Calais, dans les Alpes-Maritimes. En définitive, de quoi s’agit-il désormais ? Le gouvernement n’est contesté ni dans sa durée ni dans son caractère ; seulement il est clair qu’il ne peut avoir toute son autorité, son efficacité, que par cette organisation qu’il a lui-même réclamée plus d’une fois en termes pressans, témoin le message du 9 juillet. Cette organisation nécessaire, elle n’est évidemment possible que dans les conditions où nous vivons depuis plus de trois ans, sur le terrain où les circonstances nous ont placés et par cette union des partis modérés, dont M. le président de la république a parlé dans ses derniers voyages. Si la proposition de M. Casimir Perier eût été acceptée, si elle n’avait pas rencontré devant elle la déclaration de M. le général de Cissey, vice-président du conseil, venant en quelque sorte désavouer, à quelques jours d’intervalle, le message de M. le président de la république, tout serait déjà fait. La France aurait des institutions que l’avenir sans doute pourrait toujours réviser pour les adapter à des circonstances nouvelles, mais qui dans tous les cas, dès ce moment, assureraient une fixité qui est dans l’instinct public, qui devient plus que jamais une nécessité impérieuse. Ce qui n’a point été fait au mois de juillet reste maintenant encore le programme à réaliser aux premiers jours de la session prochaine, et ce qu’il y a de mieux, c’est de ne pas trop se fier à des tactiques plus ou moins habiles, c’est d’aborder la difficulté sans hésitation et sans détour, sans prétendre imaginer des combinaisons subtiles qui échapperaient à toute dénomination comme à toute définition. Qu’on y prenne bien garde, puisqu’il reste encore quelques semaines pour y songer et pour préparer une solution conforme à tous les intérêts. C’est avec des subtilités et des tactiques qu’on finit par arriver à ces situations sans issue où l’on ne sait plus de quel côté se diriger. La France a besoin de clarté, de netteté dans ses affaires ; elle en a besoin pour se remettre courageusement à l’œuvre, pour retrouver sa sève et sa vivacité généreuse dans une réorganisation intérieure à peine ébauchée, comme elle en a besoin aussi pour la sauvegarde de tous ses intérêts extérieurs, de sa position dans le monde.

On n’en peut douter. M. de Bismarck a sa manière à lui de conduire