que de vie, de lutte, de fièvre, artistes, peintres, sculpteurs, musiciens. Ils nous apportent leur gaîté aux francs rires, leur pauvreté vaillante, leurs esprits fermes, leurs cœurs remplis de flammes et de caprices. Ils dissertent, ils chantent, parfois ils écoutent ; puis ils s’en vont comme ils sont venus, le sourire aux lèvres, le feu dans les yeux et de l’espoir plein le cœur. En France, en Allemagne, dans chaque ville, cent propositions se heurtent et se brisent, cent écoles s’injurient ; ici, dans un large horizon, une seule pensée, comme un rayonnant soleil, monte, remplit le ciel et luit. C’est la pensée de l’art, immortellement vrai, éternellement nouveau.
ROBERT FRANZ.
Mme Adelina Patti a chanté dimanche à l’Opéra la Valentine des Huguenots
dans une représentation donnée au bénéfice des Alsaciens-Lorrains. La
simple annonce de cet événement avait mis en émoi depuis une semaine
tout le dilettantisme parisien. C’est la curiosité qui mène le monde, et,
lancés une fois sur cette piste, nous payons à prix d’or jusqu’à nos déceptions. Un talent, quel qu’il soit, se meut dans sa sphère, il a sa mesure
et ses conditions, le joli, le lovely n’est point le beau ; telle est cependant la folie du succès, le prestige qui s’attache à certaines personnalités, qu’il se trouve toujours là sur leur chemin d’honnêtes gens
pour les encourager, les applaudir, les acclamer dans leurs plus téméraires aventures, et le public, étourdi, fasciné, ahuri par ces tempêtes
de bravos, ces avalanches de bouquets monstrueux et toutes ces démonstrations extravagantes qui vous rappellent le fanatisme des fakirs
hindous se faisant broyer sous le char de l’idole, — le bon public, toujours
et partout taillable et corvéable à merci, de s’écrier ensuite à la façon
du chambellan Polonius : «Vous nous disiez que c’était un rossignol,
mais non, vous vous trompiez, c’est bien un aigle ! »
Accueillie avec transport par la salle entière à son entrée en scène au second acte, Mme Adelina Patti a salué d’abord les spectateurs, puis la reine de Navarre, et Valentine de Saint-Bris a pris le jeu. La prononciation est bonne, les mots se dégagent clairs et martelés, çà et là seulement quelques fautes de prosodie, un luxe d’e muets qui feraient dresser les cheveux à Vaugelas, mais point d’italianisme, vous diriez plutôt cet accent cosmopolite des Russes et des Viennois parlant français. Le premier dialogue avec la reine, plein de nuances pourtant, passe inaperçu. Vient le finale et cette phrase vigoureuse où jadis Mlle Falcon entraînait la salle ; c’était pour la tragédienne une première occasion de se montrer, elle s’est dérobée. Au troisième acte, égal désappointement pour tous ceux qui pouvaient avoir compté sur les beaux