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de se régler en conséquence. Vous verrez qu’au prochain retour de Mme Nilsson dans Ophélie, l’enthousiasme sera moitié moindre, car, si le talent de la Patti vaut 6,000 francs, celui de Christine Nilsson n’en vaut, paraît-il, que 3,000 ! N’importe, malgré la sainte haine qui nous anime contre le régime des étoiles, essentiellement désorganisateur de tout ensemble dramatique, nous approuvons cette fois l’expérience, d’abord parce qu’une étoile ne peut que compromettre son prestige à se produire dans de pareilles conditions, ensuite parce que ces sortes de solennités ont cela de bon, que la troupe ordinaire se pique d’émulation, se serre les coudes, et, devant l’étrangère ou l’étranger, s’évertue à maintenir debout l’honneur de la maison.

C’est ainsi que cette représentation des Huguenots a merveilleusement marché ; l’orchestre et les chœurs surveillaient leurs mouvemens, les chanteurs, chose rare, étaient à leur affaire. M. Belval n’avait plus de ces écarts de voix qui lui jouent de si méchans tours dans Robert le Diable, et sa fille, Mlle Marie Belval, enlevait brillamment cette adorable cavatine où s’épanouissent en mille floraisons toutes les enjolivures du style renaissance. D’ailleurs le rôle contemplatif de Marguerite de Navarre lui sied mieux que la princesse Isabelle. Il y avait je ne sais quelle crânerie nerveuse dans la façon dont elle semblait, par ses vocalises, défier le public, venu là pour n’en applaudir qu’une autre. Quant à M. Lassalle, c’est la reproduction exacte et fidèle de M. Faure : on n’imite pas plus scrupuleusement son chef d’emploi ; je lui reprocherai pourtant de se maniérer beaucoup, défaut encore plus grave chez un homme si grand. On dirait qu’il a gardé, comme un miel sur les lèvres, le goût de sa romance de l’Esclave. Il ne se contente pas de chanter Nevers, il le roucoule. — Sur la partition des Huguenots, il n’y a Dieu merci, plus à revenir, on ne loue pas Hercule. Quelle musique et quel poème ! Quand on se retrouve en présence d’un tel art, les rhapsodies shakspeariennes que débitent les librettistes d’aujourd’hui vous apparaissent comme un songe ridicule. Le poème des Huguenots serait beau même sans la musique de Meyerbeer ; mettez que des vers de Victor Hugo y remplacent la musique, et vous aurez encore un chef-d’œuvre ; c’est bien décidément, comme nous l’avons dit, l’opéra du siècle.


F. DE L.



ESSAIS ET NOTICES.
Rapport sur la création de nouvelles Facultés de médecine, présenté à l’assemblée nationale par M. Paul Bert, membre de l’assemblée.


L’enseignement médical et pharmaceutique est donné en France par vingt et une écoles préparatoires de médecine et de pharmacie, distribuées dans nos villes de province, par les deux facultés de Paris et de