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accusées et la gamme bleuâtre de Prud’hon, les marines animées de Joseph Vernet, les ruines chaudes de Hubert Robert, les amours roses et potelés de Boucher, les inventions capricieuses et charmantes des peintres d’ornemens du XVIIe siècle et des peintres de trumeaux du XVIIIe siècle. Les figures bien dessinées sont de formes choisies, mais le modelé n’est pas poussé aussi loin qu’il le faudrait. La couleur est agréable ; il semble que deux écoles de coloristes y aient présidé. Toutes les peintures peuvent se diviser en deux grandes séries : les peintures dont la tonalité est rouge-brique, à la Giorgione, les peintures dont la tonalité est jaune ambre, à la Corrège. Les premières sont généralement dures de dessin ; les secondes au contraire ont des contours souples et fondus dans la pâte. D’ailleurs les œuvres des peintres campaniens ont plus d’harmonie que d’éclat. Est-ce parti-pris d’école, action du temps, ou résultat du procédé de peinture employé ?

Il convient de dire à ce propos que l’on a reconnu trois procédés divers dans les peintures antiques découvertes à Rome et aux environs de Naples : la fresque, la détrempe, l’encaustique. Les traits des contours imprimés en creux sur l’enduit, qu’on distingue dans certaines peintures, prouvent qu’elles ont été peintes à fresque. D’autres peintures qu’on a laissées en place à Pompéi, exposées à l’air et à la pluie, vont chaque année s’effaçant. Or une des caractéristiques de la peinture à la détrempe est de se dégrader très rapidement à l’action de l’air et à l’action de l’eau. Pour l’encaustique ou peinture à la cire, a-t-on les mêmes certitudes ? Il faut le croire, car il n’est pas douteux qu’on ait eu l’idée à Naples de sacrifier quelques fragmens sans importance et de les soumettre à l’analyse chimique ; probablement on y a découvert de la cire. Si cette expérience n’a pas été tentée, rien ne peut autoriser à penser qu’il y ait des encaustiques au nombre des peintures du musée de Naples. D’une part en effet, toutes ces compositions semblent peintes d’après le même procédé, et, s’il est assez difficile de distinguer à première vue une fresque d’une détrempe, il serait fort aisé, croyons-nous, de reconnaître une peinture à l’encaustique, car, selon les auteurs, ces peintures étaient d’un éclat surprenant. D’autre part, on ne se servait le plus souvent de l’encaustique que sur des panneaux de bois et sur des plaques d’ivoire ou de toute autre matière dure[1]. Pour les peintures sur mur, à l’intérieur ou à l’extérieur,

  1. Nous avons vu, il y a quelques années, une peinture qu’on attribuait à Timomaque de Byzance, et qu’on assurait être peinte à l’encaustique. C’était une Cléopâtre piquée par l’aspic, qui avait fait grand bruit à l’époque de sa découverte, sous la restauration. La Revue d’Edimbourg et plusieurs recueils d’Allemagne y avaient consacré de longues études. Cette peinture est sur ardoise. La tonalité est toute différente de la fresque et de la détrempe ; la couleur est d’un éclat au moins égal à celui de la peinture à l’huile. Quelques parties ont près d’un centimètre d’empâtement. Il était avéré que ce tableau était peint à l’encaustique, mais certains critiques pensaient qu’il avait été peint au XVIIIe siècle sur l’ordre et d’après les procédés du comte de Caylus. On sait que le comte de Caylus s’occupa de retrouver les procédés de la peinture à l’encaustique. Le possesseur de cette Cléopâtre en demandait un million.