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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre 1874.

Les affaires du temps vont comme elles peuvent. On dirait que dans ce malheureux monde troublé et dévoyé où nous vivons rien ne peut reprendre sa place, et, comme tout est indécis, comme tout flotte dans une sorte d’obscurité, on finit par croire que tout est possible. Les intérêts des peuples, la paix générale, les conditions les plus simples d’organisation publique, tout reste livré aux contestations vaines, aux interprétations arbitraires, à l’aventure et à l’imprévu. On est réduit à s’agiter stérilement, toujours en alerte, au milieu des mauvais bruits, des fausses nouvelles et des polémiques inutiles, quelquefois aussi assourdissantes qu’inutiles. Le mal, pour la France surtout, et c’est d’abord la France qui nous intéresse, le mal vient d’un certain état factice et morbide développé par l’indécision des choses, nécessairement favorable à toutes les contradictions, à toutes les imaginations, même à toutes les inquiétudes, lorsque la première obligation est de se fixer, de se défendre des périls et des pièges par la clairvoyance et la netteté dans la politique extérieure comme dans la politique intérieure.

Est-ce l’effet de cet état maladif et obscur du monde ? est-ce l’effet d’une saison où la vie politique commence à se ranimer un peu partout et où les imaginations se mettent à l’œuvre pour réveiller les curiosités oisives ? Toujours est-il que depuis quelque temps, depuis quelques jours particulièrement, tout ce qui intéresse la paix et les relations des gouvernemens est l’objet préféré des entreprises des nouvellistes. Ce ne sont que bruits équivoques ou inquiétans, dont le télégraphe, en messager complaisant et souvent intéressé, se plaît à inonder l’Europe. D’où viennent ces nouvelles ? Elles courent toutes les capitales, elles se multiplient par le retentissement que leur donnent mille journaux ; elles se contredisent, elles se transforment, et elles finissent par créer à la surface de l’Europe une atmosphère de mensonge où l’on ne peut plus se reconnaître. Un jour, c’est l’Allemagne qui va remettre à la France une note comme elle sait les faire pour appuyer les réclamations espagnoles et