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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/296

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citadelle d’Anvers, et le bombardement ordonné par le général Chassé achevait l’œuvre commencée par les journées de septembre.


II

La révolution de juillet alarmait l’Europe monarchique, mais ne changeait rien aux traités de 1815 ; la révolution belge semblait au contraire un défi à ces traités ; elle remettait en question le sort de provinces dont la souveraineté avait toujours été aussi enviée que hasardeuse. Le roi Louis-Philippe, contenant à peine les frémissemens de la révolution qui l’avait porté sur le trône, vit avec plus d’appréhension que de joie des événemens qui brisaient, il est vrai, un royaume créé en haine de la France, mais d’où pouvaient sortir une guerre générale et une coalition des grandes puissances. Le roi Guillaume avait mis beaucoup d’empressement à reconnaître le nouveau souverain de la France. Louis-Philippe connaissait bien les dispositions des cours, il savait le tsar d’autant plus irrité que la chute de Charles X déjouait ses desseins sur l’Orient. La Prusse ne cachait pas à ses yeux ses haines et ses longues ambitions ; l’Autriche était liée aux traités de 1815. L’Angleterre seule avait salué de ses applaudissemens la révolution de 1830 ; mais, pour conserver ses sympathies, il ne fallait point lui faire craindre l’annexion ni même la subordination de la Belgique à la France. Autour du roi, il y avait beaucoup d’illusions et beaucoup d’ignorance. Les libéraux, enivrés de leur triomphe, croyaient naïvement que rien n’était impossible à la France, et que l’Europe ébranlée ne tenait plus qu’au fil de leur propre sagesse. M. Gendebien était à Paris ; il écrivait chaque jour à van de Weyer, il demandait instamment des pouvoirs pour traiter avec le gouvernement français. « Un moyen, disait-il au mois d’octobre 1830, qui me parait propre à nous constituer solidement, à obtenir l’appui même armé de la France, c’est de demander au roi de France et même à la nation française en même temps un de ses fils, particulièrement le duc de Nemours, pour gouverneur-général, en garantissant l’hérédité de mâle en mâle. » Le roi ne faisait rien pour échauffer le zèle de M. Gendebien ; il y avait bien en Belgique des hommes qui ne croyaient point que leur pays pût conquérir une indépendance complète, qui aimaient mieux se donner qu’être pris, et, s’il fallait se donner, la France avait leurs préférences. Toutefois on ne pouvait dire qu’il y eût un grand parti véritablement français. La lutte allait s’ouvrir entre les patriotes, qui voulaient fonder une nationalité belge, et les orangistes, recrutés surtout parmi les grands industriels, qui préféraient revenir à la maison de Nassau. Le clergé catholique belge, qui avait pris une part si active dans la révolution, redoutait les doctrines de