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UN
ROMAN DE MŒURS
SOUS NÉRON

LE SATIRICON DE PÉTRONE


I.

Il est difficile aujourd’hui de parler de Pétrone, et l’on ne peut guère s’occuper de lui et de son livre sans commencer par en demander pardon au lecteur. Au XVIIe siècle, on n’avait pas les mêmes scrupules ; on le lisait alors et l’on en parlait sans contrainte dans la meilleure compagnie. Le grand Condé en faisait son étude ordinaire, Saint-Évremond le mettait au-dessus de tous les écrivains latins, et Racine, presqu’au sortir de Port-Royal, le citait familièrement dans ses lettres. « C’est un air à présent, disait un des traducteurs du Satiricon, et particulièrement entre les personnes de qualité, que d’aimer Pétrone et d’en savoir les beaux endroits ; » il prétend même qu’il ne l’a traduit que pour céder aux sollicitations des dames, qui souhaitaient comprendre un auteur dont on leur faisait de si grands éloges. C’est aller sans doute un peu loin que de proposer Pétrone à l’admiration des dames, mais il ne faut pas non plus trop céder aux répugnances qu’il inspire. S’il est très peu moral, il n’en est pas moins fort instructif ; l’antiquité ne nous a guère laissé de livre plus curieux, et l’on se priverait, en refusant de le lire, d’une source fort abondante de renseignemens et d’informations.

Par malheur, l’ouvrage de Pétrone nous est arrivé dans un fort