Sébastopol n’est pas encore relié à la Russie par un chemin de fer en activité ; mais d’Odessa à la baie du Sud c’est en bateau à vapeur l’affaire d’une vingtaine d’heures. Quand la mer est calme, le voyage a son charme. Les repas en commun, les causeries sur le pont, établissent bien vite une certaine intimité entre les voyageurs : en quittant le bateau, j’avais des amis sur tous les points de la presqu’île. Il faut garder un peu de son temps et de son attention pour les passagers de troisième et de quatrième classe. Ils sont la plèbe de la « cité flottante ; » mais ils ont conservé les types et les costumes nationaux ; Assis, couchés pêle-mêle sur des nattes ou des peaux de mouton, ils représentent toutes les races de l’Europe orientale. Voici le Juif en longue lévite, avec ses bottes éculées, avec ses oreilles de chien en avant des tempes, ces rides multiples du front, ces singuliers plis de la bouche qui indiquent à la fois la souffrance et la réflexion ; au matin, il ne manque jamais de revêtir le voile noir et blanc, de s’attacher sur le front le phylactère et de psalmodier à mi-voix les versets du Livre. Accroupi avec sa longue pipe, son turban, ses larges braies, ses gros pieds et ses jambes demi-nues, avec sa figure à la fois placide et farouche, un Turc semble rêver aux vicissitudes du croissant. Des Tatars, il y en a de plus d’une sorte : ordinairement les traits réguliers sous le hâle, le profil hellénique, les grands yeux noirs semblent protester contre cette origine : beaucoup des Tatars du sud en effet ne le sont que de nom et de religion ; ce sont les descendans islamisés des anciennes peuplades grecques ou barbares de la Tauride. Voici deux femmes turques enveloppées de voiles d’une blancheur douteuse ; sans se cacher
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SEBASTOPOL
ET LA CHERSONESE
SOUVENIRS DE VOYAGE