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ville, qu’ils occupèrent en 1572 au nom du prince d’Orange, les pirates secouèrent à la fois le joug de la domination espagnole et celui de l’église romaine ; plusieurs villes suivirent leur exemple. Dès ce jour, la confédération des provinces-unies se trouva fondée. Le duc d’Albe fit armer sur mer de toutes parts ; il essaya vainement de reprendre La Brille. Les plus sanglans combats eurent lieu dans la mer intérieure. Victorieux sur le lac de Harlem, le comte de Bossu fut complètement battu et fait prisonnier dans le Zuiderzée. Le sieur de Beauvoir ne fut pas plus heureux : sa flotte, armée à Anvers, fut dispersée par la flotte de Zélande. On vit même, dans le cours de cette longue et impitoyable lutte, la guerre de terre ferme se convertir soudain en guerre maritime par la rupture inattendue des digues. Dans la plaine inondée, au milieu des arbres, des maisons, des villages devenus tout à coup des îlots, manœuvrèrent alors les navires et les barques. Ce fut de cette façon que le prince d’Orange obligea en 1574 les Espagnols à lever le siège de Leyde.

Ces rudes campagnes avaient fini par fatiguer le duc d’Albe ; elles usèrent deux autres généraux de renom, don Luis de Requesens et don Juan d’Autriche. En 1578, le prince de Parme, Alexandre Farnèse, succéda au vainqueur de Lépante. Il trouva dans les Pays-Bas des états-généraux assemblés, une confédération tacitement reconnue par la plupart des souverains de l’Europe. La guerre des Flandres prit alors un autre caractère ; elle perdit de son acharnement et devint la première école de stratégie de l’Europe. Le duc de Parme y déploya les plus rares talens militaires.

En Portugal, on n’avait pas à faire la guerre aux hérétiques, — l’inquisition y avait mis bon ordre ; — on n’avait pas cessé de vouloir la faire aux Maures. Un roi de vingt-quatre ans, un jeune roi « sans bonheur, » suivant la triste expression du poète, entreprit en 1578 d’effectuer une descente en Afrique. La sage politique de Jean III avait enrichi ses états ; par une conséquence presque inévitable, elle y avait affaibli l’esprit militaire. Il fallut emprunter des troupes à l’Espagne, recruter des reîtres et des lansquenets allemands pour se mettre en mesure de réaliser la nouvelle croisade. Le 4 juin 1578, la flotte portugaise emportait de Lisbonne 18,000 soldats. Débarqué sur la plage d’Arzilla, le roi dom Sébastien vit sa petite armée enveloppée par une nuée d’Arabes, dès qu’il tenta de marcher sur Larache. Ce prince héroïque dont les historiens ont blâmé, non sans quelque amertume, l’imprudence, et dont ils ne se seraient pas fait faute d’exalter le succès, disparut au milieu de la déroute d’Alcazar-Quivir. Tout fait présumer qu’il trouva la mort le jour même sur le champ de bataille ; mais le peuple, qui l’aimait, s’attendit, pendant plus de vingt ans, à le voir reparaître. Dom Sébastien emportait avec lui l’indépendance nationale. La couronne