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l’équipage d’un navire américain, le Rover, Le général Legendre, consul américain de Formose et d’Amoy, se trouvant dans cette dernière localité à l’époque de la perte du Rover, se rendit courageusement dans la baie de Loong-kiao, dès qu’il eut appris le drame affreux qui s’était passé dans son voisinage. A force de ruse et de persistance, il parvint à s’aboucher avec un sauvage nommé Tok-è-Tok, le chef alors des dix-huit tribus. Après beaucoup de pourparlers, il fut convenu qu’à l’avenir les naufragés seraient secourus, moyennant une certaine somme, lorsqu’ils aborderaient, à la suite d’un gros temps, sur la partie la plus dangereuse du littoral, c’est-à-dire de la rivière Tui-la-sok, à l’est, jusqu’à la baie de Loong-kiao, à l’ouest, y compris la pointe du Cap-Sud.

On a lieu de supposer que pendant quelques années Tok-è-Tok tint ses engagemens, et qu’il réussit à les faire respecter par les tribus auxquelles il commandait. Ce qu’il y a de positif, c’est qu’en 1871 des Pei-po-hwans, un Malais et un Tagale, jetés par un coup de vent à la côte sud, furent préservés de la mort en vertu de cette convention. Voici comment, grâce également au courage de M. F.-T. Hugues, attaché aujourd’hui aux douanes impériales de Shanghaï, s’accomplit leur sauvetage.

Une jonque affrétée par MM. Millisch et Cie de Tamshui s’était avancée vers un point de la côte nord de l’île Formose, dans l’intention de charger des bois de charpente nécessaires à une certaine construction. La mission accomplie, le petit bâtiment revenait à son point de départ, lorsqu’un coup de vent furieux survint qui le jeta au sud ; après avoir perdu son mât, ses voiles et son gréement, la jonque vint s’échouer sur des roches voisines de la rivière Tuila-sok, et s’y brisa complètement. Une forte lame passant tout à coup sur l’épave enleva un employé de MM. Millisch et dix-sept indigènes, bûcherons et matelots ; le reste de l’équipage, composé d’un Tagale, d’un Malais et de seize Pei-po-hwans, réussit à se sauver en nageant. On ne revit plus les malheureux qui avaient été entraînés par le paquet de mer. Les dix-huit autres naufragés, après avoir marché pendant quelques heures le long du rivage, arrivèrent sur le territoire de la tribu dont Tok-è-Tok se trouvait être alors heureusement le chef. Ils y furent reçus avec une indifférence exempte, il est vrai, d’hostilité, mais sans la charité qui était bien due à leur détresse. Presque aussitôt le chef de la tribu, par l’intermédiaire d’un Chinois voisin et ami, fit parvenir la nouvelle du naufrage à M. Pickering, attaché à la maison de commerce Elles et Cie à Taïwan-fou. M. Pickering était à cette époque déjà connu, paraît-il, de quelques clans indépendans ; c’était lui en effet qui, par sa connaissance du dialecte chinois local, avait été très utile en 1867 au général Legendre, lorsque ce dernier fit