Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/465

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

complètement ; mais il est certain que dans le courant de ces dernières années plusieurs pêcheurs japonais ont été impitoyablement massacrés sans qu’aucune proposition de rachat ait été faite par les tribus entre les mains desquelles se trouvaient ces malheureux. L’année dernière, cinquante-deux indigènes de l’archipel des Lao-chou, archipel appartenant au Japon, périssaient au sud de Formose d’une façon aussi tragique. Ce n’est donc pas sans de justes griefs qu’a été entreprise l’expédition des Japonais contre Formose, et cependant elle serait peut-être encore à l’état de projet sans les circonstances que nous allons relater.


II

Lorsque l’année dernière, pour la première fois, les représentans des puissances étrangères européennes à Pékin eurent l’honneur si laborieusement conquis d’être admis en présence de sa majesté l’empereur Tung-chich, on remarqua qu’un envoyé de l’empire du Japon, son excellence Soyejima, sollicita et obtint une faveur semblable. Chargé d’interpréter devant les conseillers de l’empereur-céleste l’irritation qui régnait dans son pays par suite de massacres, au sud de l’île Formose, de sujets japonais, l’ambassadeur réclama une énergique répression des coupables. Son langage fut ferme et digne, presque menaçant sous son apparente humilité ; mais il ne fut pas question en ce moment-là de guerre, d’une attaque à main armée sur Formose, et si la pensée d’une pareille agression traversa l’esprit de Tung-chich ou de ses ministres, ces orgueilleux personnages durent la rejeter bien loin, personne à Pékin ne croyant le Japon assez téméraire pour l’exécuter. Depuis que de la menace le mikado a passé à l’action, on s’est tout à coup souvenu que Soyejima s’était fait accompagner dans son ambassade par le général Le gendre, fort connu de tous les Européens qui résident sur le continent chinois, Ce personnage, ancien consul des États-Unis à Amoy juste au moment où le Japon mûrissait l’idée d’une mission en Chine, fut chargé par son gouvernement d’une exploration toute scientifique, du moins en apparence, dans cette même île de Formose, qu’il connaissait depuis longtemps. Ajoutons que le général Legendre avait été présenté au ministre des affaires étrangères du Japon par M. De Long, ministre de la république américaine à Yeddo.

Nous ne voulons incriminer en rien les projets que durent former, d’un côté un diplomate de l’école américaine, de l’autre un général attaché à un consulat comme celui d’Amoy. Le premier dut être tenté de jouer un rôle influent auprès du mikado dans une affaire où le gouvernement qu’il représentait n’avait à encourir aucune