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attachés par les liens du sol et de la parenté aux rebelles des provinces soulevées, l’insurrection dut mettre bas les armes, écrasée sous des forces régulières bien conduites par Okoubo. La révolte, qui selon toute probabilité devait s’étendre dans le Tosa, à Kago-sima, se propager dans le clan orgueilleux et remuant des Satsuma, fut heureusement localisée au centre de Saga, une des provinces du Kinsin. C’est dans le chef-lieu de ce ken, sur la place même où avaient éclaté les premiers cris révolutionnaires, que quelques mois après tombait sans bruit, sans éclat, la tête du chef des rebelles. Jamais, par un soudain revirement des esprits, exécution capitale n’excita moins d’intérêt dans un pays la veille encore soulevé. Hâtons-nous de dire que ce qui contribua le plus à pacifier les dispositions hostiles des provinces, c’est la bonne nouvelle répandue habilement par tout l’empire qu’une partie de l’armée japonaise allait être envoyée par mer à Formose, afin d’y procéder à la destruction des sauvages aborigènes. Les samouraï belliqueux du Tosa et les fidèles vassaux des Satsuma ne demandaient pas autre chose. L’insurrection se trouvait subitement vaincue, mais, comme on le remarquera, par la promesse en quelque sorte forcée d’une guerre à l’extérieur. Le palliatif n’était-il pas très dangereux, pire en réalité que le mal ? Nous espérons que les faits se chargeront de répondre d’une façon favorable au Japon. La levée des samouraï de Hizen et de Saga fut pourtant un crime de lèse-nation, puisqu’elle allait placer le pays dans une situation grosse de périls. Quand se produit-elle en effet ? A l’heure suprême, critique, où le mikado vient de présenter à son peuple un programme de réformes comme jamais aucun souverain n’a osé en proposer à des sujets d’une fidélité douteuse. Ce ne sont pas seulement des coutumes séculaires que l’empereur est en voie de déraciner, il n’a pas seulement une féodalité puissante à contenir et à briser ; c’est la liberté des cultes qu’il ose proclamer en même temps que l’appel en masse de la nation à la vie politique, c’est la jeunesse japonaise allant par son ordre étudier dans toutes les capitales du monde les meilleurs systèmes d’éducation connus pour les appliquer dès son retour au Japon ; c’est enfin la barbarie des anciennes lois pénales que cet infatigable réformateur désire faire disparaître pour donner place à une pénalité régénératrice des criminels. Et, au moment où en regard de ces réformes morales se posent les réformes matérielles, c’est-à-dire l’ouverture des voies ferrées, la pose des fils électriques, une flotte à transformer, des arsenaux à faire sortir du sol, on voit quelques chefs à l’humeur chagrine mettre leur souverain dans l’alternative d’une guerre civile ou d’une guerre extérieure ! Les plus politiques de ces fiers hobereaux n’ignoraient sans doute pas que pour couper court à des réformes gênantes, troubler un pays, épuiser un trésor, une