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Mac-Mahon, qui ne serait pas beaucoup plus avancé, et c’est là justement ce qu’il y a de faux ou de peu sûr dans sa situation, dans sa politique. Le centre gauche, de son côté, nous n’en disconvenons pas, n’est pas dans des conditions plus nettes, et il a, lui aussi, ses alliances compromettantes ou onéreuses. En se ralliant à la république, parce qu’il croit la république seule possible aujourd’hui, il n’abdique point assurément son caractère de parti conservateur. Il n’est pas moins vrai qu’il n’arrive parfois à balancer la majorité dans l’assemblée qu’avec un appoint suspect de radicaux, qui sont des partisans aussi douteux du septennat que de la république conservatrice de M. Casimir Perier. Le centre gauche tient la tête d’une armée où il compte d’étranges alliés, et, s’il lui arrivait de triompher avec eux, sûrement il ne pourrait pas gouverner avec eux, de sorte que, le jour même de sa victoire ou tout au plus le lendemain, la première obligation qui s’imposerait à lui serait de chercher du secours parmi des conservateurs plus éprouvés que M. Naquet. Il aurait à faire face à ceux qui le presseraient avec une république un peu moins rassurante, qui ont déjà bien de la peine à se contenir. Tout cela est clair : c’est une situation fausse pour tout le monde, et c’est précisément parce que la situation est fausse pour les uns et pour les autres que le centre droit et le centre gauche sont également intéressés à en sortir en se rapprochant, en confondant leurs efforts pour arriver à une organisation constitutionnelle protectrice et efficace.

C’est une illusion et une utopie, dit-on. La réunion des deux centres ne suffirait pas, elle ne formerait qu’une minorité. Le centre droit en serait pour une rupture sans compensation avec ses alliés de l’ancienne majorité, et il n’y aurait qu’une dislocation de plus dans la confusion croissante des partis. Évidemment, si cette alliance apparaissait comme une de ces combinaisons équivoques et indécises qui, même en se réalisant, sont accompagnées de toute sorte d’arrière-pensées et de réticences calculées, elle n’aurait aucun effet, elle ne serait qu’un compromis banal et sans vertu. La première condition de succès serait une franche et patriotique entente, l’adoption d’un programme préparé en commun, soutenu en commun avec toutes les ressources du talent et de l’expérience. Est-il bien sûr que, réalisée ainsi hautement, résolument, avec l’autorité d’un grand acte public, cette alliance de toutes les fractions modérées de l’assemblée ne réussît pas, qu’elle n’eût pas pour conséquence d’exercer une sérieuse et décisive attraction sur les esprits honnêtes et hésitans, sur tous ceux qui n’attendent souvent qu’un signal pour se rendre aux transactions nécessaires ? La preuve que ce ne serait pas aussi dénué d’efficacité qu’on se plaît quelquefois à le dire, c’est qu’au premier mot, dès qu’on semble revenir à cette idée, les partis extrêmes se mettent aussitôt à combattre, à railler cette pauvre « conjonction des centres. » Ils se hâtent de raviver les blessures an-