Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leurs partis, de cette armée tumultueuse dont ils ne sont pas plus maîtres dans la victoire que dans la défaite.

Voilà justement une occasion nouvelle, peut-être assez grave pour les radicaux, de montrer ce dont ils sont capables, c’est le renouvellement du conseil municipal de Paris. De toute façon, l’épreuve peut être des plus sérieuses. Le conseil qui va être renouvelé est le premier qui soit sorti de l’élection depuis la chute de l’empire, et somme toute, dans son ensemble, sans avoir l’éclat des lumières et de l’expérience, il pouvait suffire. Il s’est maintenu, sous la prudente présidence de M. Vautrain, dans des limites à peu près légales. Les radicaux, bien qu’assez nombreux encore et toujours prompts à sortir de leur modeste rôle municipal, ont été contenus avec fermeté, et ils n’ont pu s’abandonner librement à leur intempérance de motions, de propositions et de vœux plus ou moins politiques. Maintenant il s’agit de savoir ce que va produire une seconde élection, quel sera le nouveau conseil municipal. Les radicaux ne déguisent guère leurs ambitions et leurs espérances ; ils se flattent de former la majorité dans le nouveau conseil, et de faire alors naturellement ce qu’ils voudront. Ils ont leurs comités, leur organisation : ils distribuent les rôles, ils imaginent des candidatures, ils dictent leurs volontés aux uns et aux autres. Voici par exemple un conseiller municipal sortant qui ne doit plus se représenter. Il est de la plus pure couleur radicale, il est vrai, mais il a fait son temps, il faut que chacun ait son tour, il faut que les inexpérimentés du radicalisme aillent successivement apprendre les affaires dans le conseil, — sans doute aux dépens de cette bonne ville de Paris ! Tout cela est fort bien, seulement Paris va-t-il laisser faire jusqu’au bout ? Se laissera-t-il imposer un conseil municipal composé de radicaux ? La question est certainement grave, et elle a même une double gravité.

C’est, en même temps qu’une question d’intérêt municipal, une affaire de dignité et d’amour-propre pour Paris. Ces radicaux, sans être naïfs, ont cependant une certaine ingénuité d’un ordre particulier. On dirait que Paris leur appartient, et que le radicalisme supplée à tous les titres. Or imagine-t-on bien ce qu’il y a d’étrange, de prodigieux, tranchons le mot, de ridicule, dans ce simple fait d’une ville comme Paris, — qui est le rendez-vous de toutes les sommités de l’esprit, des affaires et de l’industrie, qui résume presque la force intellectuelle de la France, — ayant à sa tête un conseil municipal composé de M. Floquet, de M. Nadaud, de M. Raspail fils ou de personnages de cette haute compétence ? Voilà donc la figure que pourrait prendre le Paris municipal devant le monde ! Voilà quels seraient les gérans brevetés de la fortune d’une cité qui a une importance égale à celle de plus d’un petit état ! Les Parisiens en vérité doivent se sentir quelque peu humiliés en y songeant ; c’est à eux de prendre en main leurs affaires électorales et de choisir, sans distinction de radicaux, de