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C’est à travers toute sorte d’aventures qu’il en sort, qu’il s’éprend de la charmante Hildegarde, fille d’un comte voisin, blanche colombe issue, on ne sait trop par quel miracle, d’un loup rapace doublé de renard, et qu’il revient chez sa mère, qu’il désole en lui annonçant son intention de rentrer dans le monde. Ses six frères eux-mêmes, qu’on appelait dans le pays les Roitelets, parce que les moines, dans leur latin, eu égard à la puissance de la famille, les avaient surnommés Reguli, lui font froide mine, à l’exception du plus jeune. Le roi Henri de Bavière est en guerre avec un parent révolté. Immo, qui a trouvé dans un brave jeune paysan du nom de Brunico un écuyer fidèle, comme furent jadis Wolf et Wolfram ses ancêtres, se rend près du roi, fait des prodiges de valeur, encourt cependant la défiance de ce roi égoïste et soupçonneux, et, malgré de nouvelles prouesses, demeure l’objet de sa disgrâce. Sa position ne s’améliore pas lorsque, revenu d’une expédition lointaine contre les brigands de la Mer du Nord, il apprend que sa chère Hildegarde est condamnée par la politique royale à prendre le voile à Erfurt. Il l’enlève audacieusement, assisté par ses frères réconciliés avec lui ; il est blessé, fait prisonnier par les gens du roi, son procès s’instruit, et il faut toute sorte d’incidens plus romanesques les uns que les autres pour que justice lui soit rendue et qu’il rentre le front haut dans le castel de ses pères avec la perspective d’épouser son Hildegarde, qui ne demande pas mieux. Notons que la mère, malgré ses scrupules de dévote, finit par prendre le parti de son fils contre les moines et d’Hildegarde contre le roi. On doit signaler dans ce roman l’intention de faire ressortir le conflit grandissant, à mesure que l’Allemagne se forme et se civilise, entre l’esprit de Rome et le vieil esprit germain de la famille. Déjà dans Ingraban on voyait percer quelque chose de ce genre ; dans le Nid des Roitelets, l’antagonisme, s’il n’est pas encore formulé, est déjà à l’état aigu. Nous serions bien surpris, si, en se rapprochant du XVIe siècle, le romancier ne lui donnait pas des proportions qui expliqueront la rapide propagation de la réforme luthérienne dans les pays germaniques. Notons aussi le cachet d’égoïsme concentré, cynique dans sa naïveté même, qu’il lui plaît d’imprimer aux personnages qui, dans ses trois romans, représentent le pouvoir royal. Le roi Visino dans le premier, Ratiz dans le second, Henri de Bavière dans le troisième, sauf les différences tenant à la culture intellectuelle et au milieu social, sont coulés absolument dans le même moule. En sera-t-il toujours de même ? L’auteur de Doit et Avoir a des opinions très arrêtées sur les classes qui se partagent la population allemande. Les Slaves, dans Ingraban, ne sont pas traités avec plus d’indulgence que les