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chercheuse avant tout, apprécie à l’égal de la beauté, c’est l’authenticité, la sincérité. Là est une des premières préoccupations de la science et du goût contemporains. Nous aimons peu les statues restaurées, les tableaux repeints, nous aimons à savoir à quelle école, à quelle époque nous avons affaire, en toutes choses nous nous défions de la fraude et de la contrefaçon. La contrefaçon et les altérations capricieuses ne doivent point être plus tolérées dans l’architecture que dans la peinture ou la sculpture. Le titre de monumens historiques conféré à la plupart de nos cathédrales indique de soi-même cette préoccupation de respect et de conservation. Qu’est-ce qu’un monument historique dont on dénature arbitrairement les formes et les proportions ? Tout dans ces œuvres vénérables de siècles déjà bien loin appartient à l’histoire ; chaque voûte, chaque muraille, nous dirions volontiers chaque pierre de l’édifice en reçoit une consécration. Vis-à-vis de ces restes augustes de notre vieille France, de ces témoins encore debout de la foi de nos pères et de l’âge héroïque de notre patrie, ce n’est point trop à notre gré d’une sorte de religion, un peu de superstition ne serait pas malséant.

Les barbares incendies de Paris nous ont récemment offert de tristes occasions d’appliquer les vrais principes. Un grand exemple nous a été donné par le pouvoir, dont on l’eût peut-être le moins attendu, à propos d’un monument en soi-même médiocre. La colonne Vendôme a été redressée dans son état original, sans que ni l’art ni la politique aient été admis à y apporter la plus légère modification. L’assemblée qui a volé la déchéance de l’empire a décidé que la statue du premier empereur serait replacée » au sommet de la spirale de bronze où se déroulent les exploits de ses soldats. L’assemblée nationale a fait plus : au mépris du goût populaire et des préventions publiques, au mépris de justes considérations d’économie, elle a fait remettre sur la colonne non le Napoléon en petit chapeau et à la redingote légendaire laissé par le roi Louis-Philippe, mais un Napoléon en empereur romain, tel que le vainqueur d’Austerlitz s’était fait faire lui-même et qu’il avait été rétabli par son neveu. En cela, ce n’est pas seulement aux iconoclastes révolutionnaires, grâce auxquels plus d’un piédestal reste encore dans Paris dépouillé de sa statue, c’est aux artistes et aux architectes, c’est aux villes et aux provinces que la représentation de la France a donné une solennelle leçon. Ce qu’elle a fait pour un monument de peu de style et de peu d’antiquité, contre lequel pouvaient s’élever des préventions politiques, nous voudrions le voir faire pour tous les anciens édifices de la France. Un tel exemple devrait servir de règle dans toutes les reconstructions de