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détériorer ; pour les remettre en état, il leur en coûte un jour beaucoup plus que ne leur eussent coûté des réparations faites à temps. C’est l’histoire de la plupart de nos monumens historiques ; la méthode qui leur est appliquée est celle du propriétaire négligent ou sottement avare.

A cet égard, il y a cependant des modèles, à l’étranger au moins, Saint-Pierre de Rome par exemple. A la vaste basilique est attaché un contingent permanent d’ouvriers qui n’ont d’autre mission que de la maintenir en état. Il en était de même jadis pour beaucoup d’autres églises lorsqu’elles avaient des revenus fixes. Chez nous, aujourd’hui on dépense en quelques années des sommes considérables pour la réédification de monumens auxquels en temps ordinaire on refuse presque toute dépense d’entretien. Pour la cathédrale d’Évreux, on a évalué le devis des travaux à 1,100,000 francs, et de la façon dont on procède avec la nef il est permis de douter qu’une telle somme suffise pour l’ensemble de l’édifice[1]. Il n’y a pas en ce moment moins de six ou sept cathédrales inscrites au budget pour ces grandes restaurations ou reconstructions. L’état, une fois engagé dans de tels travaux, est obligé de faire de nouveaux sacrifices pour en permettre l’achèvement. Ce ne sont pas le plus souvent les crédits qui sont demandés au fur et à mesure des besoins de restauration, ce sont plutôt les restaurations qui sont proportionnées aux crédits obtenus ou espérés. Ce système ne peut être avantageux que pour deux classes de personnes, pour les architectes, qui dans des travaux plus considérables trouvent à la fois plus de gloire et plus de profit, pour les gouvernemens ou pour les hommes politiques, qui, de pareilles entreprises, peuvent aussi se faire un titre d’honneur ou un moyen de popularité et d’influence. Cette méthode ruineuse des grandes restaurations, des grandes reconstructions, était en harmonie avec l’impulsion donnée aux travaux publics sous le second empire, avec les vastes démolitions et les vastes constructions poursuivies systématiquement dans la plupart de nos grandes villes. Entre le mode de restauration des anciens édifices et le mode de construction des nouveaux, il y avait une naturelle analogie, et ce qui, dans les deux parties de cette même œuvre, a été le plus universellement vanté n’était pas toujours ce qui méritait le plus d’éloge.

Aux fastueuses restaurations aujourd’hui à la mode, nous voudrions voir préférer d’humbles réparations, de simples travaux d’entretien. Au lieu d’artistes désireux de s’illustrer par de grands

  1. Il est à remarquer que les travaux de la cathédrale d’Évreux, qui, dans le rapport fait aux inspecteurs-généraux des édifices diocésains, sont représentés comme une reconstruction, ne figurent au Budget de l’exercice 1875 (p. 1022) que sous le titre modeste de restauration.