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LES ANTONINS
D'APRES LES DOCUMENS EPIGRAPHIQUES

L'EMPEREUR TRAJAN


I

Nous n’avons guère appris l’histoire de Rome que chez ses grands écrivains : nous avons tour à tour admiré les apologies des anciennes mœurs républicaines dans Tite-Live et Plutarque, partagé les regrets amers de Cicéron sur la liberté perdue ou compromise par les déchiremens civils, épousé la mâle indignation de Tacite contre le régime nouveau qui avait dépouillé de ses privilèges et de son prestige l’aristocratie, à laquelle il appartenait et qu’il a vengée. Nous n’avons cessé de voir par leurs yeux, d’adopter leurs idées, de souffrir de leurs blessures ; mais nos maîtres, épris surtout de ces mérites littéraires qui assuraient l’immortalité à tant de beaux écrits et sont l’éternel honneur de l’esprit humain, nous ont peut-être trop souvent enseigné à mettre l’éloquence à la place des patientes recherches de l’érudition et les mérites de la forme au-dessus de la solidité du fond, si bien qu’ils nous ont souvent caché l’austère image de la vérité sous les fleurs de la rhétorique, et qu’ils ont cherché à faire de nous plutôt des lettrés que des historiens.

D’autre part, certains écrivains de talent se sont plu à choisir dans les époques les plus agitées de Rome des cadres tout faits pour y développer, selon les passions du jour ou même les besoins de