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jamais nécessaires en Sicile, à Naples, dans la Romagne. Les antipathies, les rivalités personnelles jouaient leur rôle dans cette chambre. Tout tenait quelquefois à l’absence ou à l’abstention d’un certain nombre de membres du parlement, et l’on sait que l’assiduité n’est point aisée à obtenir des députés italiens, de sorte que, pour une raison ou pour l’autre, on était toujours exposé à des surprises dont l’opposition profitait. C’est arrivé plus d’une fois et d’une manière assez grave pour mettre le gouvernement dans l’embarras. M. Minghetti sentait bien ces inconvéniens lorsque dans un discours, peu avant les élections, il demandait au pays d’envoyer des députés animés d’un esprit de discipline, résolus à soutenir une politique. Le pays lui a envoyé une majorité pleine de sympathie pour la supériorité séduisante de son talent, mais qui ne sera peut-être pas plus facile à conduire ou à maintenir que celle qui existait, parce qu’elle se compose des mêmes élémens, parce qu’il y a les mêmes antagonismes, les mêmes questions personnelles ou provinciales.

Un instant, il y a quelques semaines, un certain rapprochement avait paru s’accomplir entre M. Minghetti et son prédécesseur aux finances, M. Sella, qui a des idées très arrêtées, qui est en train de devenir un président du conseil disponible. M. Sella semblait disposé à soutenir le gouvernement. Si ce rapprochement était réel, il conduirait vraisemblablement avant peu à des modifications dont le résultat serait de fortifier le ministère en le mettant à l’abri des ébranlemens de majorité, des défections toujours plus ou moins menaçantes d’une partie de la chambre. La droite et le centre ne feraient qu’un, la majorité resterait dans toute sa force. Qu’en est-il aujourd’hui de cette fusion entre des hommes et des fractions parlementaires que rien d’essentiel ne sépare ? La question va se décider à l’occasion des projets financiers que M. Minghetti vient de présenter dès l’ouverture du parlement. Là est le point difficile et délicat, car pour le moment c’est de cela qu’il s’agit au-delà des Alpes. L’important, c’est la régularisation des finances, c’est aussi la répression du brigandage qui, sous des noms divers, continue à sévir en Sicile comme dans certaines contrées de la Romagne. Le parlement a devant lui tout un programme que le roi Victor-Emmanuel n’a pu que tracer à grands traits dans le discours rassurant et confiant par lequel il a inauguré la session. C’est au ministère et aux chambres de s’entendre maintenant pour réaliser ce programme.

Cette majorité italienne, elle peut sans doute se diviser encore comme elle s’est déjà divisée bien des fois. Ce qui est parfaitement clair, c’est qu’elle reste invariablement unie dans les questions essentielles, dans les directions générales, et, sous ce rapport, on peut dire que les élections dernières sont une sanction nouvelle des idées dont Cavour a été le triomphant promoteur. L’Italie recueille aujourd’hui les fruits de la