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la possibilité d’une guerre déclarée par la France à l’Italie pour le rétablissement de la souveraineté temporelle du pape. M. Gladstone, pour un premier ministre d’hier, qui peut le redevenir demain, jouait bien légèrement avec des chimères. Il peut se rassurer ; les catholiques anglais, que M. Gladstone prétendait embarrasser en leur demandant ce qu’ils feraient dans ce cas, peuvent aussi être tranquilles. La France n’est pas près de déclarer la guerre à l’Italie pour restaurer l’autorité temporelle du pape, et M. le duc Decazes, s’il était interrogé au sujet du rappel de l’Orénoque, n’aurait qu’à invoquer l’intérêt français, l’intérêt de nos bonnes relations avec l’Italie pour dissiper tous les fantômes.

Des fantômes, il n’y en a pas du côté des Alpes : est-ce qu’il y en aurait encore du côté des Pyrénées ? Certes, s’il est deux pays dont les rapports doivent être tout simples, naturellement sympathiques, ces deux pays sont la France et l’Espagne. Malheureusement tout est assez mystérieux depuis quelque temps au-delà des Pyrénées, et dans ce mystère il y a une certaine humeur plus brouillonne qu’il ne faudrait. Est-ce l’effet des crises récentes qui ont laissé de l’amertume et de la guerre civile que le gouvernement de Madrid ne peut arriver à réprimer ? Est-ce l’effet des influences étrangères qui ont passé les monts ? Toujours est-il qu’il y a eu un moment où les grands patriotes de Madrid n’ont trouvé rien de mieux à faire que de batailler contre la France. On faisait publiquement, hautement, le procès de la France, et tout cela, on le sait, a fini par aboutir à la brillante campagne que M. l’ambassadeur d’Espagne à Paris, M. le marquis de La Vega y Armijo, a cru devoir faire en remettant à notre ministre des affaires étrangères une note qui était un véritable réquisitoire, qui avait déjà fait le tour des journaux de l’Europe presque avant d’avoir été lue par notre gouvernement.

Il y a deux mois de cela, et pendant ces deux mois bien des choses se sont déjà passées. Peut-être la dépêche espagnole n’a-t-elle pas eu en Europe, même en Allemagne, tout le succès sur lequel on comptait. D’un autre, côté, M. le minisire des affaires étrangères a dû prendre le temps de rassembler les élémens nécessaires pour répondre comme il le devait au volumineux dossier qu’on lui imposait la maussade obligation de lire et de vérifier. Cette réponse est prête maintenant, elle va être envoyée, et certainement elle remettra dans leur vrai jour des faits dénaturés et des principes de droit international singulièrement interprétés. En sera-t-on quitte ainsi de cette controverse où M. l’ambassadeur d’Espagne a gagné tout au moins son brevet de diplomate prolixe ? Ne sera-ce point assez de temps perdu en enquêtes et en contre-enquêtes oiseuses qui traînent le plus souvent à travers toute sorte d’incidens puérils et d’insignifians commérages ? Après tout la meilleure réponse que pût faire la France était de redoubler de surveillance sur la frontière comme elle l’a fait, de remplir ses devoirs de bon voisinage, sans trop s’arrêter à certains procédés, et ce que l’Espagne à son tour aurait