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sans compter les projets de loi émanés soit du gouvernement, soit de la commission, qui méritent une attention toute particulière. Nous ne commettrons pas l’injustice et l’impertinence de dire que nous faisons grâce à nos lecteurs des systèmes fort sérieux, pour la plupart, qui ont coûté à leurs auteurs bien des frais de science et d’invention ; mais nous devons nous borner, sur ce point, à quelques observations générales. Ces systèmes soulèvent tous l’une ou l’autre de ces deux objections, et quelques-uns toutes les deux à la fois : ils sont trop compliqués pour être d’une application facile ; ils auraient peu de chances de rallier une majorité dans l’assemblée et d’obtenir l’assentiment de l’opinion publique, quelle que soit d’ailleurs la valeur intrinsèque de ces systèmes. Quoi de plus ingénieux par exemple que l’éclectisme de notre infatigable collègue M. Pradié ? Ce système n’a pas à coup sûr le mérite de la simplicité ; M. Pradié nous répondra, non sans raison, que la simplicité ne fait pas la valeur politique et pratique d’une institution, et il cite l’Angleterre, l’Allemagne et même les États-Unis à l’appui de sa thèse. L’expérience n’a-t-elle pas prouvé en France surtout, que les constitutions simples peuvent être des chefs-d’œuvre de logique et de mauvais organes de gouvernement ? Il nous permettra pourtant de lui dire que l’art des combinaisons poussé à ce point crée des machines politiques qu’il n’est point facile de faire mouvoir dans la pratique, et encore moins de faire accepter des grandes assemblées, où domine trop peut-être le goût de la simplicité. Le grand artiste en cette matière, l’abbé Sieyès, avait tout calculé, tout prévu, dans sa merveilleuse machine constitutionnelle, excepté le moyen de la faire fonctionner en l’adaptant à la réalité. Quoi de plus subtil que les inventions de notre autre collègue de la commission, le laborieux et persévérant M. Vingtain, l’un de ces esprits vraiment à part, qui, sans prétention à l’originalité, ne voulant jamais que faire œuvre de bon sens et de sens pratique, font toujours cependant, par un instinct invincible de leur intelligence, une œuvre de ce qu’un célèbre critique appelle le sens propre, par opposition au sens commun, qui, par parenthèse, n’est pas toujours le bon sens. Nul dans la commission, et peut-être dans l’assemblée, n’eût pensé à faire élire les riches par les pauvres, et les pauvres par les riches, comme l’a fait M. Vingtain dans une de ces antithèses si familières à son esprit chercheur. Nous ne parlerons pas d’autres systèmes qui, comme le projet judicieux de M. Michon, préfet du Puy-de-Dôme, se rapprochent plus ou moins des projets de M. de Broglie et de la commission.