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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/814

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est encore restreinte par la multitude des piliers qui l’encombrent, par les chapelles qui occupent les côtés, par les huit chœurs secondaires qui viennent resserrer le chœur principal, par l’iconostase qui coupe le temple en deux parts. Partout il y a des accessoires, des divisions, des compartimens à l’infini : au milieu de ces chapelles et de ces galeries, on cherche l’église ; mais ce qui réjouit l’archéologue, c’est l’immense quantité de fresques et de mosaïques qui couvrent ces voûtes et ces piliers. On voit partout des prophètes, des saints, des docteurs avec leurs grands yeux fixes, noirs, nullement russes, et ce type spécial qui dénote un pinceau byzantin. Le livre sacré dans une main, l’autre levée pour bénir ou pour instruire, ils semblent continuer l’œuvre d’évangélisation commencée par les Grecs du Xe siècle parmi les populations slaves. Leurs noms même sont inscrits non en caractères slavons, mais en grec. Aux voûtes des chapelles et des galeries planent les anges de Dieu, ces « faces volantes » qui n’ont d’autre corps que six ailes flamboyantes et multicolores. Tous ces sujets sont traités d’une façon absolument identique à ceux qui décorent l’église de Justinien. Ainsi la filiation de ces deux Sainte-Sophie, si différentes pourtant, éclate à tous les yeux : ici et là se retrouve une main grecque ; mais du VIe au XIe siècle la décadence de l’art byzantin est sensible. La plupart de ces fresques, qui, à l’époque de la domination des uniates, furent recouvertes d’un enduit de chaux, ont dû être restaurées. Il a fallu en raviver le coloris, il a fallu remplacer celles qui manquaient et compléter les plus maltraitées. Heureusement les restaurateurs ont travaillé dans le style ancien. En une des chapelles du côté droit, celle des Trois-Pontifes, on a conservé sans aucune retouche toutes les fresques qui s’y trouvèrent et qui étaient précisément les moins avariées. Ce fut sur l’ordre exprès de l’empereur Nicolas qu’on s’abstint d’y rien toucher. « Elles témoigneront, dit-il, à la postérité, que dans tout le reste nous nous sommes contentés de restaurer sans rien innover. » Outre les fresques représentant des saints personnages, des scènes de l’Évangile ou de la Bible, il y en a de très profanes qui ornent les deux escaliers par lesquels on monte aux galeries supérieures ; elles représentent des animaux fantastiques, des chasses où des guerriers attaquent des bêtes fauves perchées quelquefois sur des arbres qui ressemblent à des tournesols. Ailleurs un personnage en prison et une espèce de tribunal, des danseuses qui se trémoussent au son de divers instrumens, un jongleur qui soutient une perche en équilibre à laquelle grimpe un enfant, quatre cochers qui dans les carceres de l’Hippodrome, sous la tribune impériale, attendent le signal des courses. Ces peintures, qui comprennent 133 figures et qui donnent des indications très curieuses sur