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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/830

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capitalisation, aux revenus fonciers ; l’on pouvait se vanter d’avoir pleinement dédommagé ces propriétaires évincés en leur restituant la totalité de leurs revenus d’autrefois et un capital nominalement équivalent, quoique effectivement très inférieur, à celui qu’ils avaient perdu. On sait que ce fameux milliard des émigrés consistait en une série de rentes 3 pour 100 montant ensemble à un peu moins de 26 millions de francs d’intérêt.

Malgré les quelques critiques que nous lui avons adressées, nous devons reconnaître que la restauration géra les finances du pays avec une remarquable habileté et une inaltérable bonne foi. Elle avait reçu du gouvernement précédent une dette de plus de 63 millions de rentes, elle en laissait une de 164 millions : les emprunts qu’elle avait dû émettre pour payer l’arriéré impérial, les contributions et les charges de guerre, l’indemnité aux émigrés, et pour combler le déficit de ses premiers budgets, s’étaient élevés à près de 165 millions de rente ; mais l’amortissement en avait racheté 53, une conversion du 5 pour 100 en 4 1/2 ou en 3 pour 100 en avait éteint 6, des retours de rente à l’état avaient annulé encore près de 4 millions de rentes : c’est ce qui explique le chiffre relativement faible du montant de la dette publique en 1830.


II

Tout gouvernement qui se fonde après une révolution se voit contraint de recourir immédiatement au crédit : c’est là une loi inéluctable. Il suffit d’un changement de régime politique pour jeter la perturbation dans les recettes et dans les dépenses. Celles-là se trouvent fatalement réduites et celles-ci accrues. Ainsi, à peine installé, le gouvernement de Louis-Philippe dut solliciter de la nation les fonds que les impôts ne lui fournissaient plus en quantités suffisantes. Il contracta au commencement de 1831 un premier emprunt en 5 pour 100 qui lui produisit 120 millions de francs effectifs moyennant une inscription de 7,142,000 francs de rentes. Il nous paraît vraiment étrange aujourd’hui que le passage de la monarchie aristocratique à la monarchie bourgeoise ait aussi profondément ébranlé pendant près de deux ans le crédit public. Le 12 janvier 1830, la restauration avait adjugé à des banquiers un emprunt de 80 millions de francs en 4 pour 100 au cours de 102 francs, c’est-à-dire au-dessus du pair ; le 19 avril 1831, le gouvernement de Louis-Philippe ne put se procurer 120 millions effectifs en 5 pour 100 qu’au cours de 84 francs ; la révolution de 1830 avait donc autant déprimé le cours des fonds publics que l’ont fait la guerre de 1870, la révolution du 4 septembre, l’insurrection de la commune,