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des sommes égales de rentes placées dans l’un et dans l’autre fonds, n’était qu’un expédient de tout point condamnable.

Ce fâcheux précédent ne doit pas nous empêcher de considérer le système des conversions comme excellent en soi. C’est pour la France l’un des moyens de réduire notablement le poids de sa dette. Dès aujourd’hui on peut en faire une application à l’emprunt Morgan. Ces obligations 6 pour 100 ont dépassé le pair, notre 5 pour 100 est lui-même presqu’au pair, rien donc ne sera plus facile que d’échanger le 6 pour 100 contre du 5 : ce sera une économie de 1 pour 100 sur les intérêts de cet emprunt, soit de 2,400,000 francs par an. Cette opération serait un prélude à une autre beaucoup plus importante qui, si la France jouit de la tranquillité politique, pourra se faire dans quelques années, nous voulons parler de la conversion du 5 en 4 1/2 : elle procurerait au trésor une économie de 34 millions. Le temps sans doute n’est pas encore venu, il faut que la reprise des affaires se soit beaucoup plus accentuée, que les capitaux soient devenus plus abondans ; mais dès aujourd’hui on peut prévoir le jour où cette conversion du 5 en 4 1/2 au pair sera possible.

Quant à l’amortissement proprement dit par des rachats à la Bourse, ce n’est pas maintenant qu’il y faut penser, puisque nous avons un remboursement plus pressant à faire, celui de notre dette envers la Banque. Néanmoins on peut rechercher la meilleure méthode de procéder en pareil cas. L’amortissement dans le passé a souvent été un leurre. La France et surtout l’Angleterre ont pratiqué jusqu’à un temps assez rapproché de nous une méthode décevante qui consistait à créer pour l’amortissement une administration spéciale, ayant une allocation fixe, rachetant des titres à la Bourse, conservant les titres rachetés, en touchant les intérêts et les employant à de nouveaux rachats. C’est ainsi qu’ont fonctionné les caisses d’amortissement dont le principe reposait sur la théorie de la puissance de l’intérêt composé. L’action de ces caisses ne s’arrêtait pas un instant : alors même que le budget était en déficit, alors même que l’état empruntait, la caisse d’amortissement, considérée comme un être à part et distinct de l’état, rachetait et rachetait toujours des titres à la Bourse. On croyait faire œuvre de prévoyance en n’interrompant pas un instant ce jeu de l’amortissement : on ne faisait en réalité qu’un métier de dupe. On émettait des rentes d’une main à des cours assez bas, on les rachetait de l’autre main à des cours plus élevés, et l’on perdait toute la différence. On ne peut que féliciter la restauration d’avoir amorti avec constance, mais on peut se demander si le gouvernement de juillet n’aurait pas mieux fait de suspendre l’amortissement à partir de 1840 que de le continuer quand tous ses budgets étaient en déficit.