Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/853

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour la vaine satisfaction d’entasser des titres de rentes dans ses caisses, il s’obligeait à grossir outre mesure la dette flottante, dont les énormes proportions devaient être cause de tant d’embarras en 1848.

Nulle part ce décevant système d’amortissement à intérêts composés n’a été pratiqué avec autant de constance et, si nous pouvons le dire, de superstition qu’en Angleterre depuis le grand Pitt jusqu’en 1828. C’est dans cette dernière année qu’un comité de la chambre des communes prit une résolution célèbre qui malheureusement ne fut pas longtemps observée. Il y était dit que le maintien d’un fonds d’amortissement, qui serait alimenté autrement que par l’excédant net des recettes sur l’ensemble des dépenses, serait plutôt nuisible qu’utile. Ce serait, ajoutait-on, montrer bien peu de souci du crédit public et du salut du pays que de ne pas constituer en temps de paix une sorte de provision pour diminuer les chargés permanentes laissées par la guerre. Au lieu de fixer d’avance une dotation constante ou progressive à l’amortissement, il paraissait plus convenable de réserver à la réduction de la dette publique les excédans de revenu. Néanmoins, ajoutait-on, eu égard au montant des revenus de la Grande-Bretagne et aux variations de rendement qu’il comportait, ainsi qu’à la nécessité de diminuer la dette, il serait utile, en dressant le budget, de prévoir comme indispensable un excédant des recettes de 3 millions de livres sterling ou 75 millions de francs ; mais, si cet excédant n’était pas réalisé, il ne faudrait en aucun cas se procurer cette somme par des emprunts pour l’affecter à la réduction de la dette. Enfin tous tes titres de la dette rachetés par l’amortissement devaient être immédiatement annulés et rayés des livres. Telles étaient les sages recommandations du comité des communes de 1828. L’année suivante, un acte du parlement faisait passer en articles de lois la plupart de ces conseils. Il était ordonné que l’administration des finances dressât, dans les trente jours qui suivent l’expiration de chaque trimestre, un compte des recettes et des dépenses effectuées dans les douze mois écoulés, et qu’un quart de l’excédant des recettes de ces douze mois fût remis aux commissaires pour la réduction de la dette nationale, afin d’être employé à l’achat de titres soit de la dette flottante, soit de la dette consolidée.

Il est impossible de trouver un ensemble de dispositions plus judicieuses ; par malheur, l’amortissement volontaire est difficile à pratiquer : il demande de la part des hommes d’état et des assemblées une force de caractère, une constance, un esprit de suite, qu’il est rare de rencontrer pendant une longue période : c’est ce qui explique que de 1828 à 1869 l’amortissement n’ait racheté en Angleterre que pour une somme nominale de 50,730,936 livres