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se donnèrent le titre d’impartiaux, beau titre que l’on ne peut guère porter en pleine tempête civile. Lorsque le 8 septembre 1789 499 voix contre 89 eurent rejeté leur projet de constitution, lorsqu’après eux Mirabeau eut emporté dans son cercueil les combinaisons à l’aide desquelles il entendait unir la royauté et la démocratie, un dernier groupe, celui des constitutionnels, Barnave, Lameth, Lafayette, Duport, Le Chapelier, tentèrent à leur tour, comme l’a dit le plus éloquent d’entre eux, de terminer la révolution.

Mais combien à cette heure-là, au moment du départ de Varennes, en juin 1791, y avait-il d’esprits disposés à rechercher les côtés impolitiques de la nouvelle constitution et à les faire disparaître ? L’assemblée était usée et avait perdu tout crédit ; la nation n’était plus divisée qu’en deux camps, ceux qui, à aucun prix, ne voulaient de l’ancien régime, et ceux qui le rêvaient encore. Le terrain de la révision, sur lequel Barnave et ses amis tendirent la main à Malouet et à Clermont-Tonnerre, s’affaissa brusquement. Les constitutionnels s’aperçurent qu’ils ne représentaient qu’une opinion, et qu’ils n’avaient pas derrière eux un parti. Les instincts inaltérables de la race française s’étaient fait jour peu à peu ; ils étaient montés à la surface, comme une source qui s’est infiltrée dans tout le sol et qui finit par le recouvrir.

La royauté absolue, par la direction qu’elle avait imposée à notre histoire, les légistes, par l’ébranlement qu’ils avaient donné aux droits féodaux, les lettrés et les philosophes, par la hardiesse qu’ils avaient inspirée à l’esprit public, les physiocrates, par le mépris du passé qu’ils avaient encouragé, tous en un mot, à des degrés divers, avaient formé ou précipité l’irrésistible courant démocratique. Aux yeux de Mirabeau et de ceux qui prirent une part active aux événemens dans ces mois de juin, juillet, août 1789, si décisifs et si instructifs, le plus difficile était l’abolition des privilèges et l’établissement de l’égalité. Le système politique qui devait protéger le nouvel ordre de choses ne viendrait qu’après et paraissait plus facile à organiser ; c’est en cela que de nobles esprits se trompèrent. Dans cet échec des idées constitutionnelles, telles que les entendaient alors les partisans des deux chambres, à qui revient la plus lourde part de responsabilité ? — Il n’y a pas d’hésitation possible. De l’aveu des témoins les plus modérés, de l’aveu de Toulongeon, du marquis de Ferrières, de Mme de Staël, ce sont les classes privilégiées qui, augmentant les antipathies avouées de la cour pour toute modification aux formes de gouvernement, furent les plus opposées à toute pensée libérale. Croyant fermement que le nouvel ordre de choses ne subsisterait pas, elles hâtaient et la ruine de la monarchie et leur propre ruine. A cette conduite insensée, elles joignaient,