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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/88

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Youmans à coopérer à l’œuvre que celui-ci avait conçue d’une bibliothèque scientifique internationale[1], il s’est décidé à publier d’abord par fragmens dans deux recueils, américain et anglais, puis en volume dans la collection mentionnée, les considérations générales sur la sociologie qui auraient pu difficilement trouver place dans un grand traité. C’est donc un premier chapitre, en un mot une introduction qu’il nous présente. C’est par là même un écrit d’un intérêt plus général et d’une lecture plus accessible que ne le sont les traités scientifiques proprement dits. Il y touche aux idées qui nous intéressent tous, à nos opinions de tous les jours, à nos passions, à nos préventions, à nos illusions. Il les dénonce avec sévérité et âpreté, peut-être même avec excès. Il sera lu, il l’est déjà avec curiosité et empressement.

Quelques mots d’abord sur la place que doit occuper le nouvel écrit de M. H. Spencer, au milieu de ses autres écrits, déjà très nombreux. M. Spencer se fait remarquer entre tous les penseurs anglais contemporains par la force systématique. Il a embrassé tout le champ de la spéculation philosophique et a essayé de condenser dans une synthèse toute la masse de documens et d’idées accumulée par les sciences physiques et morales dans les temps modernes. Auguste Comte avait conçu l’idée d’une philosophie positive, qui ne serait autre chose que la généralisation de toutes les sciences ; mais il est permis de dire qu’il n’en avait eu que l’idée. M. Spencer a essayé d’exécuter cette philosophie ; ses Premiers principes contiennent la métaphysique et la physique du système. Ses Principes de psychologie et ses Principes de biologie en contiennent le développement. Les deux premiers de ces ouvrages ont été traduits en français[2] ; le troisième le sera bientôt. Pour compléter le cadre que M. H. Spencer s’était tracé il y a une vingtaine d’années, il lui reste encore à publier ses Principes de sociologie et ses Principes de morale. Lorsque ces deux ouvrages seront achevés, et tout porte à croire que le premier au moins ne tardera pas à l’être, M. Spencer aura eu le bonheur, si rare en philosophie, d’avoir exécuté son plan tout entier, après avoir eu le courage non moins rare de le concevoir. Sans apprécier ici en aucune façon la

  1. La Bibliothèque scientifique internationale, comme le nom l’indique, se compose d’écrits anglais, français et allemands publiés à la fois dans les trois langues. Ainsi le livre de M. Spencer vient de paraître en France en même temps qu’en Angleterre. Plusieurs ouvrages ont déjà paru dans cette bibliothèque ; nous citerons notamment un livre remarquable de M. Bagehot, écrit dans le même esprit que celui de M. Spencer, et intitulé les Lois scientifiques du développement des nations.
  2. Les Premiers principes, par M. E. Cazelles, — les Principes de psychologie, par MM. Espinas et Ribot. Ce dernier écrivain, dans son livre sur la Psychologie anglaise, a beaucoup contribué à faire connaître en France la philosophie de M. Spencer. — Voyez aussi l’étude de M. Laugel dans la Revue du 15 février 1864.