Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/892

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

juvéniles, et qui, agrandies de jour en jour, devinrent la passion et l’honneur de sa vie.

Il y joignait des travaux qui ne permettaient à personne de l’oublier. En 1853, il fut nommé maire du Xe arrondissement ; l’empire faisait appel à son patriotisme, le sachant capable de ne pas se soustraire par rancune politique à un devoir de bon citoyen. C’était montrer une noble confiance en sa générosité. Dans cette même mairie, deux années auparavant, M. Cochin, adjoint et remplaçant le maire absent, avait reçu les membres de l’assemblée nationale venus pour protester contre le coup d’état. Le petit-fils des vieux échevins de Paris ne crut pas devoir refuser une fonction municipale qui lui permettait de servir la grande cité et de secourir les pauvres. En 1855, quand fut organisée la première exposition universelle, il y prit une part active dans ce sentiment de charité sociale qui ne le quittait plus. Il obtint qu’un jury spécial fût constitué pour apprécier la fabrication des objets à bon marché. Ces objets mêmes furent exposés et réunis à sa demande dans une section spéciale. C’est ce qu’il appelait la galerie d’économie domestique. Son rapport au jury sur cette exposition est plein de vues excellentes et tout animé de la passion, du bien. « Désormais, écrit-il, aucune exposition universelle ne doit avoir lieu sans qu’un large espace soit réservé à l’exhibition spéciale des objets utiles au bien-être physique ou au développement intellectuel des classes les plus nombreuses de la société. On ne pourra plus dire que ces magnifiques et louables efforts encouragent seulement le luxe, et sont destinés à réunir tous les moyens inventés par l’homme pour travailler de moins en moins et jouir de plus en plus. » Ailleurs, dans une lettre familière, parlant à un ami de son exposition domestique et des peines sans nombre qu’elle lui a causées, il se console en ces termes : « ce sera pourtant quelque chose d’avoir forcé, au nom de la charité, les portes de l’industrie. » Soutenu par cette pensée, il n’a plus que des sentimens d’admiration pour ces efforts du génie de l’homme, et tandis que certains censeurs croient faire œuvre chrétienne en maudissant la science, il répète avec enthousiasme les paroles où elle est glorifiée : « tout ignorant que je suis, je m’associe à l’orgueil de la science humaine ; la galerie des machines est merveilleuse. Avez-vous lu la belle expression de M. Dumas : « les machines, ces esclaves, qui rendent à l’homme sa liberté, qu’on peut torturer sans scrupule et qu’on entend gémir sans remords ? »

Un des plus nobles épisodes de la vie intellectuelle de M. Augustin Cochin, c’est la guerre qu’il a faite à l’esclavage dans le monde entier. Le livre où il a exprimé ses ardentes protestations est une œuvre magistrale. L’auteur ne déclame pas, il raconte, il discute,