Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/930

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’esprit de parti, et ce qu’il y a de mieux, ce qu’il y a de plus pressé, c’est de profiter de ce mois qui reste encore avant les discussions décisives pour en venir définitivement à une vue simple et nette des choses, pour s’inspirer sans subterfuge de ces « nécessités du présent » dont parle M. le président de la république, pour chercher les élémens d’une situation régulière et suffisamment assurée.

Depuis trois ans qu’on se débat dans ce chaos de tentatives, les unes chimériques, les autres désavouées par l’instinct public, le terrain, il nous semble, est assez déblayé, l’expérience est assez complète pour qu’on sache à quoi s’en tenir, et si on le sait, où donc est l’impossibilité d’une entente, d’une action commune pour tous ces hommes de modération, de bonne volonté, auxquels M. le président de la république a plus d’une fois fait appel ? Ces hommes existent sans nul doute, ils sont à droite et à gauche. Ce sont tous ceux qui, par patriotisme, par prévoyance politique, et même, dirons-nous, par un sentiment de dignité bien placé, comprennent qu’ils ne peuvent offrir jusqu’au bout ce spectacle humiliant d’une assemblée souveraine, s’appelant constituante et refusant au pays les institutions les plus élémentaires, se dissolvant lentement dans l’impuissance, cherchant une excuse dans ses divisions et se réfugiant dans une irresponsabilité anonyme. C’est avec ces hommes-là qu’une majorité peut se former, qu’elle se formera le jour où il se trouvera des chefs pour lui parler avec l’autorité virile de la raison, pour la rallier à une politique supérieure d’intérêt national, au lieu de chercher sans cesse à concilier des arrière-pensées, à marier des groupes, des fractions de groupes, dans le demi-jour des sous-entendus et des équivoques. Le malheur est que cette assemblée, par des déviations successives, s’est accoutumée à se considérer comme une sorte de réunion de plénipotentiaires des différens partis stipulant pour la cause qu’ils représentent, et se croyant le droit de s’opposer à tout ce qui n’est pas l’intérêt de cette cause, au risque même de laisser en suspens la vie nationale. Sous prétexte que tout est provisoire en France, — comme si la France elle-même était provisoire ! — on finit par trouver cela naturel, et tout l’art des plus habiles a consisté par instans à obtenir une apparence de trêve, à donner à ces incohérences les dehors d’une majorité. Eh bien ! non, les subtilités sont inutiles ; au moment où nous sommes, dans les conditions exceptionnelles où existe l’assemblée, dernière et seule image de la souveraineté française, ces prétentions des partis ne sont ni naturelles, ni patriotiques, ni légitimes, et il faut que toutes les idées soient absolument confondues pour que ce qui s’est passé quelquefois, ce qui vient de se passer récemment encore paraisse tout simple.

Qu’a-t-on vu en effet ? Au moment même où M. le président de la république, chef régulier, légal de l’état, adressait son message à l’assemblée, on colportait dans les couloirs de Versailles un autre message de