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intermèdes, elles viennent quand elles peuvent, lorsque l’assemblée n’a rien de mieux à faire, et surtout elles se ressentent d’une situation où règles, principes, garanties, traditions, restent incessamment livrés aux entreprises des partis. Ce n’est point sans doute que ces séances, qu’on peut appeler épisodiques, ne soient souvent intéressantes et instructives. Elles montrent le fond des esprits, elles laissent entrevoir la gravité des crises morales du temps, et quelquefois elles sont relevées par le talent. Récemment encore l’assemblée a eu une de ces journées à la fois sérieuses et brillantes à propos de la liberté de l’enseignement supérieur en France. L’enseignement supérieur peut-il être libre, libre tout au moins dans la mesure tracée par la loi du 15 mars 1850 pour l’enseignement secondaire ? Pourra-t-il s’établir désormais, comme en Allemagne, comme en Belgique, des universités indépendantes, des facultés libres de droit et de médecine, des facultés des lettres et des sciences ? La question est née d’une proposition faite il y a quelques années par M. le comte Jaubert, un ancien ministre du 1er mars 1840 qui vient de mourir, elle a été longuement examinée dans une commission, et elle est venue l’autre jour à l’improviste. Elle a été traitée par M. l’évêque d’Orléans avec une éloquence qui a fini par s’emporter, par M. Challemel-Lacour avec une habileté de parole aussi implacable que savamment calculée, par le rapporteur de la commission, M. Laboulaye, avec un sentiment libéral des plus élevés.

Dès que la question était posée, il était difficile de ne point faire pour l’enseignement supérieur ce qui a été fait, il y a près de vingt-cinq ans, pour l’enseignement secondaire, d’autant plus que cette revendication de liberté est née jusqu’à un certain point de l’insuffisance de l’enseignement officiel. Le mot de décadence, qui a été prononcé, est d’une sévérité outrée et injuste. Il n’est pas moins vrai que depuis longtemps nos facultés mal dotées, dépourvues souvent de laboratoires, de bibliothèques, ne répondent qu’incomplètement à toutes les exigences d’une large et libérale instruction, et au fond c’est là peut-être la raison la plus décisive en faveur de cette proposition qui vient d’être discutée. Il est certain que, si l’enseignement supérieur de l’état eût gardé la puissance et l’éclat qu’il a eus dans d’autres temps, s’il eût suffi à tout, la proposition ne serait point née, ou bien elle aurait eu moins de chances, parce qu’elle aurait eu des raisons moins plausibles à invoquer. Aujourd’hui la question est engagée de telle façon qu’elle sera sans doute résolue en faveur de la liberté, bien entendu une liberté réglée, qui a été sanctionnée à une première lecture par une immense majorité ; mais cette liberté dangereuse, elle est toute au profit de l’église catholique, qui la réclame seule, assure le dernier et certainement un des plus habiles défenseurs de l’enseignement de l’état, M. Challemel-Lacour. Les catholiques seuls useront du privilège, parce que seuls ils