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premier consul, en le rétablissant par la loi de germinal, l’accepta tel qu’il était, mais sans l’autoriser à tenir des synodes généraux. Il lui accordait seulement des pasteurs, des consistoires et des synodes provinciaux pour chaque groupe de cinq églises consistoriales. Ajoutons que l’église réformée n’usa pas du droit de convoquer des assemblées provinciales pour régler les questions de doctrine. Les protestans à cette époque étaient tout entiers au plaisir de respirer et de se retrouver les uns les autres. Entre eux d’ailleurs, il n’y avait pas de dissidences prononcées, pas de conflits qui pussent leur faire sentir le besoin de régler leurs rapports mutuels ; mais les dissidences sont venues, et se sont prononcées de plus en plus sous l’influence des deux courans qui emportent notre époque, A l’heure qu’il est, en face d’une forte minorité qui fait de la liberté d’examen l’essence du protestantisme, et qui en est venue à rejeter à peu près toutes les croyances de la religion réformée, il existe une majorité qui reste fidèle à ses croyances, et qui, en les voyant attaquées, s’y est attachée avec un surcroît de ferveur. Le doute a provoqué la foi, d’autres pourraient dire que c’est la foi qui a provoqué le doute, il n’importe ; le fait est en tout cas qu’il n’y a plus d’église, plus d’association morale. Ce qui subsiste n’est qu’un lien factice, une pure chaîne qui rapproche de force des adversaires armés l’un contre l’autre. Dans le même consistoire siègent côte à côte l’affirmation et la négation, la critique qui ne voit dans la Bible qu’une collection de légendes humaines et la foi qui la vénère comme la parole même de Dieu. Dans la même chaire montent le même jour deux pasteurs dont l’un conteste la divinité du Christ, le salut par la foi, eu un mot tout ce que l’autre regarde comme la vérité qui seule peut sauver. Il n’est pas rare pendant un sermon de voir une mère se lever, et emmener ses enfans pour les soustraire à une prédication qui lui semble empoisonnée.

Les orthodoxes, autrement dit les pasteurs et les laïques pour qui le protestantisme était surtout une croyance religieuse déterminée, n’ont pu supporter cet état de choses. Ils ont sollicité pour l’église l’autorisation de convoquer un synode général suivant ses anciennes coutumes ; ils ont réclamé le bénéfice du droit commun, qui, par le fait qu’une association quelconque est reconnue, lui permet implicitement de se constituer, de déterminer ce qu’elle est. L’autorisation demandée a été accordée par le gouvernement, et le synode réuni en 1872 s’est prononcé, — à une faible majorité il est vrai, — pour un statut organique dont la promulgation a été sanctionnée aussi par l’autorité compétente après approbation du. conseil d’état. De là des protestations violentes de la part des libéraux. Dès le principe, ils avaient été opposés à la convocation du synode, et durant les débats ils s’étaient maintenus dans l’opposition la plus radicale, n’admettant aucun milieu entre la