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d’Angleterre et de Hollande qui savent tout ce que les ouvrages publiés par ce savant modeste renferment de savoir précis et de recherches Ingénieuses. Aujourd’hui M. Duplessis s’est attaché à l’interprétation des pièces rarissimes qui sont pour l’amateur vrai la joie et la récompense de tant d’années d’examen et de comparaison. On sait le prix élevé qu’atteignent maintenant dans les ventes les gravures que leur rareté rend presque aussi précieuses que des tableaux uniques. Le goût de la gravure d’ailleurs à toujours été très développé en France, et l’on cite encore tels cabinets dont les possesseurs ne reculeraient devant aucune surenchère, et qui peuvent montrer avec un orgueil largement payé des pièces dont on chercherait vainement les équivalens au British-Museum ou à la Bibliothèque nationale. En présence de concurrences si formidables, que fera le dilettante dont la fortune n’égale pas l’ambition, ou l’artiste qui aurait besoin de puiser dans la vue constante de beaux exemples l’élément d’un progrès toujours si lent ? C’est à ces travailleurs intéressans que M. Duplessis dédie son ouvrage nouveau : les Eaux-fortes de Van Dyck.

On sait quel cachet de distinction naturelle ce maître charmant a su imprimer à toutes ses œuvres. Il n’en est aucune, même parmi les moins importantes, qui ne révèle une face particulière de ce talent souple et abondant. Dessinateur moins ample et moins fougueux que Rubens, il a de plus que lui une précision et une élégance qui rendent ses portraits plus séduisans à la fois et plus véridiques. On peut dire des portraits de Yan Dyck qu’ils sont comme les pièces à conviction de l’histoire de son temps. Presque tous ses contemporains célèbres ont posé devant lui ; ses dessins au crayon ou au lavis ne le cèdent en rien à ses peintures, même pour l’aisance de l’exécution et pour ce rayonnement de vie que les uns comme les autres savent exprimer avec la même intensité ! Toutefois, quoique la plupart de ces portraits aient été gravés sous l’œil du maître par les plus habiles graveurs de son temps, ils n’égalent pas en beauté ni en intérêt les vingt-cinq planches auxquelles Van Dyck lui-même voulut mettre la main. La plupart, quoique célèbres, sont peu connues ; quelques-unes sont uniques. Ce sont ces vingt-cinq planches que M. Duplessis a voulu réunir et qu’il a fait graver à nouveau sur des épreuves photographiques tirées d’après les originaux cachés dans les riches collections de l’Angleterre et de la Hollande. En même temps, dans un précis qui sert de préface à cet album, l’auteur retrace l’histoire de ces feuilles si précieuses et si fragiles, il explique les caractères particuliers qui les distinguent, il indique les états de la planche-mère, les reprises successives qu’elle a subies. M. Duplessis a eu l’imprudence de promettre une suite à son premier recueil. Il va colliger l’œuvre, de Paul Potter, puis celle de notre Claude Lorrain, artistes qui manièrent l’eau-forte d’une main si sûre,