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membre, il n’aurait garde de donner sa démission. On affirme aussi que, s’il siégeait au parlement, il ne se croirait point obligé d’employer son éloquence à convaincre tel écrivain de matérialisme, tel autre d’athéisme, et à condamner les professeurs d’Oxford sur ce qu’ils ont dit et même sur ce qu’ils n’ont pas dit. M. Manning n’estime point que le rôle de dénonciateur soit le plus beau que puisse remplir un évêque, et on prétend, chose plus étonnante encore, que, lorsqu’il cite ses adversaires, il se croit tenu de ne point tronquer leur pensée. Les principaux chefs du catholicisme en Angleterre sont de vrais gentlemen, dont les procédés ne sentent pas la sacristie, et ils se sont appliqués avec succès à dissiper les préjugés haineux du vieil esprit anglais contre Rome. Aussi ne pouvait-on craindre que la brochure ou le manifeste de M. Gladstone fût le signal d’une persécution contre l’église. Ceux qui ont paru éprouver cette crainte ont cédé à des appréhensions irréfléchies, sans compter qu’il est quelquefois utile de paraître avoir peur. M. Gladstone ne demandait point leur tête, ni un seul de leurs cheveux ; il se proposait seulement de contrarier les efforts souvent heureux de leur propagande en posant à son pays cette question : « Depuis la promulgation des décrets du Vatican, est-il possible de concilier la soumission que réclame un pape infaillible avec l’allégeance que tout Anglais doit à sa reine ? En un mot est-il possible d’être à la fois un bon Anglais et un bon catholique ? »

Assurément cet indiscret questionneur ne pouvait être soupçonné d’une malveillance systématique et hargneuse à l’égard du catholicisme. « Profondément attaché à ma propre communion religieuse, nous dit-il lui-même, à l’église de ma naissance et de mon pays, je n’ai jamais ressenti pour elle une affection exclusive ou insulaire ; mais je l’ai regardée avec gratitude comme cette portion de la grande famille des rachetés dans laquelle une place m’a été assignée, et je n’ai jamais cessé de porter un vif intérêt à toutes les autres tribus de cette famille, quels que fussent leur nom et leur étendue, leurs perfections ou leurs imperfections. » Il ajoute qu’il a toujours souhaité que les bons élémens prévalussent sur les mauvais dans cette grande communion latine qui comprend près d’une moitié de la chrétienté, dans cette église qui a donné au monde des Thomas A Kempis et des Thomas Morus, des Érasme et des Pascal, dans cette église à laquelle, dit-il, « appartiennent quelques-uns d’entre nous, dont personne ne peut nier qu’ils ne soient aussi humbles, aussi charitables, aussi portés au renoncement et à l’abaissement volontaire, en un mot aussi évangéliques que peut l’être le plus évangélique des protestans. » Au surplus on sait que les sympathies de M. Gladstone sont pour la haute église, c’est-à-dire pour cette partie de l’église anglicane qui confine au catholicisme par l’importance qu’elle donne à la tradition, par le caractère de réalité qu’elle attache aux sacremens, par la pompe des cérémonies et du culte. M. Gladstone