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de Marseille prit soin de les accueillir et de les embarquer sur le paquebot des messageries, où le transport gratuit leur était accordé par l’état. A Alger, au débarqué, les attendait l’agent de la société assisté d’un membre du comité algérien, et après quelques heures de repos, elles étaient le jour même dirigées sur Azib-Zamoun. C’était agir sagement ; on évitait par là de les voir errer par les rues de la ville et se mêler à la foule de ces mécontens trop nombreux dont les conseils et l’exemple auraient pu semer parmi elles des germes de découragement. Au village, tout était prêt pour les recevoir : chaque maison garnie de ses meubles avait reçu un numéro auquel était adjoint un lot de terre. On procéda au tirage, et les colons, sur l’heure, purent prendre possession de leur domicile ; le soir ils couchaient sous un toit. On approchait alors du mois de novembre, le moment le plus favorable pour entreprendre les labours. D’ordinaire en Kabylie les pluies commencent vers la fin d’octobre et durent sept ou huit jours, après lesquels le beau temps se rétablit ; ces premières pluies enlèvent aux marais leurs influences malsaines, détrempent le sol et permettent de commencer immédiatement à labourer. Vers la fin de novembre, les pluies reprennent avec plus d’intensité et continuent à tomber pendant un mois entier ; c’est alors que les labours, s’achèvent. Aussi, arrivés en octobre, la plupart des colons d’Azib-Zamoun avaient-ils pu, dès la fin de l’hiver, cultiver et ensemencer eux-mêmes une bonne partie de leur concession.

Ceux qui sont venus par la suite ont été reçus, installés, traités de la même façon ; c’était peu pourtant de leur donner une maison et un lot de terre ; il fallait encore les nourrir, eux et leurs bestiaux, jusqu’à ce qu’ils fussent en état de se suffire réellement. Pendant les premiers mois, des vivres en nature leur ont été fournis ; plus tard chaque famille a reçu une allocation en argent, calculée à raison de 75 centimes pour les adultes, et de 30 centimes pour les enfans, somme plus que suffisante dans le pays. On avait compté pouvoir, en tout état de cause, limiter ces secours à la date de la première récolté ? mais les pluies, les sauterelles, ont nui tour à tour aux travaux des champs ; pour la même raison, on a dû continuer à plusieurs familles les distributions de semences qu’on leur avait faites. Il n’y a rien là qui doive étonner, et le fait reste bien établi désormais ; les cultivateurs nouvellement installés en Algérie ne sauraient sa tirer d’affaire que dans la troisième année de leur séjour, autrement dit après la seconde récolte. Du moins les colons de la société ont-ils eu cet avantage, que rien ne leur a manqué comme secours matériels, encouragemens ou conseils. On ne peut imaginer tout ce qu’une semblable entreprise soulève pour les promoteurs de difficultés, d’embarras, de complications de tout