Les nations qui parlaient des langues appartenant à la même famille que le phénicien n’eurent point à faire subir à la valeur des caractères primitifs les changemens qui étaient indispensables pour l’adapter à certains autres idiomes, car la prononciation se rapprochait chez eux de celle de la Phénicie. On comprend donc que dans les alphabets de la plupart des langues sémitiques le type phénicien se soit moins altéré. Dans tous ces idiomes, les voyelles ayant un caractère vague, il n’a point été nécessaire de les représenter comme chez les Grecs par des lettres empruntées à ce qui n’était chez les Phéniciens que des gutturales douces ou des aspirations ; mais, toutes les langues sémitiques ne comptant pas le même nombre d’articulations, il a fallu pour l’alphabet de plusieurs d’entre elles recourir à des signes nouveaux. Les configurations ne sont pas d’ailleurs demeurées constantes, et chaque alphabet a passé comme l’alphabet phénicien par diverses formes.
La chronologie des monumens écrits dans l’idiome des Phéniciens présente encore quelques obscurités qui ne permettent pas d’établir avec une entière certitude la succession des formes qu’ont traversée les caractères phéniciens. On possède du moins de fort anciens textes de la langue des Chananéens, tels que la grande inscription de Mésa ou Méscha, roi de Moab, celle des poids de bronze en forme de lion trouvés dans les fouilles de Nimroud, celles de Malte, de Nora et de plusieurs pierres gravées, enfin l’inscription du célèbre sarcophage d’Eschmounasar, actuellement au Louvre. Cette dernière présente un type graphique jugé plus moderne par divers épigraphistes, et qui paraît se rattacher à celui des monumens beaucoup plus nombreux et moins anciens découverts tant en Phénicie qu’à Chypre et ailleurs. C’est aussi à l’écriture de ces derniers monumens que se lient les caractères employés dans les légendes des monnaies et des pierres gravées. La stèle de Mésa et les poids de Nimroud nous offrent l’état de l’alphabet sémitique au IXe siècle environ avant notre ère. Il faudrait tout un livre pour dérouler la généalogie des divers alphabets asiatiques qui sont sortis du tronc phénicien soit directement, soit par l’intermédiaire d’autres alphabets, et je dois me borner à indiquer les grandes lignes de cette longue migration graphique. L’alphabet hébreu est incontestablement l’un des premiers qui se soient détachés de cette souche féconde ; mais cet alphabet n’est pas l’hébreu carré dont nos bibles hébraïques nous fournissent le type et sur la date originelle duquel on a beaucoup discuté dans ces derniers temps.
L’hébreu carré se rencontre en Palestine sur des monumens tels que le tombeau dit de Saint-Jacques et celui dit des Rois, dont la date a été également fort débattue, mais qui sont généralement regardés comme appartenant au Ier siècle de notre ère. Les Juifs