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quelques-uns nomment ludovicienne parce qu’elle date surtout de l’époque de saint Louis, et pour laquelle on a proposé assez heureusement l’épithète de scolastique. Les formes qu’elle fit prévaloir opérèrent une véritable révolution dans le tracé graphique. L’Italie abandonna son écriture dite lombardique, qui a été usitée jusqu’au commencement du XIIIe siècle, pour cette nouvelle mode dont elle ne se dégoûta qu’au XVe, laissant encore la cour de Rome y recourir souvent pour la transcription de ses brefs. Vers la même époque, l’Espagne en agissait de même à l’égard de son écriture visigothique, dont une des formes persista jusqu’à la fin du XVIe siècle. On peut distinguer dans l’écriture gothique les mêmes quatre variétés que j’ai signalées à la période précédente : la majuscule, la minuscule, la cursive et la mixte ; mais il y a des subdivisions essentielles à établir suivant qu’on prend l’écriture des manuscrits, des diplômes, des sceaux, des monnaies. Outre les caractères généraux qu’offrent les diverses espèces de gothique aux différentes époques, chaque province a, dans sa façon d’écrire, un caractère propre qui est un peu à l’écriture ce que l’accent est à la langue. Dans le midi, les lettres sont plus carrées, dans les provinces de l’ouest plus aiguës, en Champagne plus arrondies, en Flandre plus fines, etc. Pour l’Italie, les différences sont plus accusées encore selon les provinces.

La calligraphie des manuscrits, qui était arrivée au XVe siècle à constituer un art véritable et dont l’emploi était relevé par le mélange des couleurs, l’encadrement des miniatures, des fleurs et des enjolivemens de mille sortes, reçut un coup mortel de la découverte de l’imprimerie, qui date du milieu du XVe siècle. Les faiseurs de manuscrits, en disparaissant, laissèrent sans principes et sans guides les scribes des chartes et des actes publics, et la tradition gothique se perdit graduellement. Toutefois les caractères typographiques apportèrent les modèles que les chefs-d’œuvre chirographiques ne fournissaient plus. Les premières impressions sur bois avaient d’abord imité l’écriture, plus tard on saisit souvent chez celle-ci une imitation de l’impression en caractères mobiles. Les lettres, qui dans les actes publics tout à la fin du XVe siècle reviennent un peu aux formes de l’onciale, se rapprochent sous Louis XII des caractères dits romains, dont les presses de Venise avaient donné de parfaits modèles. Mais ce n’est pas seulement l’invention de Gutenberg qui entraîna la décadence de l’art d’écrire calligraphiquement ; c’est encore la multiplicité des écritures, c’est ce qu’on pourrait appeler le progrès de la paperasserie, car ce progrès date surtout du temps où le papier se substitua au parchemin. Une des causes qui contribuèrent à faire abandonner la minuscule pour l’écriture mixte gothique, c’est que les actes étaient devenus